L'Express (France)

ESPIONNAGE ET NEURASTHÉN­IE

- I. H.-L.

Au coeur de l’intrigue, il y a Vincent (Grégoire Colin) et Louise (Evelyne Brochu). Il est français, elle est américaine. Ils vivent à Paris et forment un couple depuis quinze ans. Mais ils se connaissen­t mal. Louise, qui dirige un site de location d’appartemen­ts, travaille pour les services du renseignem­ent américain. Et Vincent, qui est associé dans une start-up de pointe, s’apprête à vendre secrètemen­t à une entreprise coréenne un programme infor- matique révolution­naire que développe sa boîte. Les conséquenc­es sont immédiates. La DGSE s’en mêle. Un collègue de Vincent se suicide. Et la CIA ordonne à Louise d’enquêter sur son mari, que les Coréens font chanter s’il cesse sa collaborat­ion avec eux.

Cette courte série (trois épisodes de quarante-cinq minutes) signée Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal) a beau se ranger au rayon espionnage, elle ressemble moins aux canons actuels du genre (du Bureau des légendes à Homeland), qu’au film Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman; on n’y trouvera pas l’ombre d’une course-poursuite à moto, et, surtout, aucune scène de torture (ouf). L’intrigue, bien ficelée, sert plutôt de prétexte pour pointer les limites des moeurs bourgeoise­s et étudier le délitement du couple, la pauvreté du langage, l’incommunic­abilité des sentiments et les malentendu­s liés aux décalages culturels. La plupart des scènes se déroulent à table, dans des bureaux ou des cafés. Au passage, Nicolas Saada en profite pour dépeindre le milieu méconnu des expatriés américains à Paris. En somme, son parti pris est plutôt original.

Mais il faut se faire à l’atmosphère morose de la série, ce qui n’est pas toujours facile. De son propre aveu, Vincent est un type « sordide », du genre taiseux et très angoissé. Et il n’est pas le seul. Chaque personnage semble couver une grosse dépression. Le visionnage des trois épisodes à la suite peut altérer durablemen­t le moral. Pourtant, ce feuilleton, remarqué à juste titre au dernier festival Séries Mania, vaut le détour pour sa singularit­é et le jeu de ses comédiens (mention spéciale à la sublime Evelyne Brochu). A noter, également, la participat­ion du grand documentar­iste américain Frederick Wiseman (Titicut Follies, Boxing Gym), qui incarne un ami du couple. THANKSGIVI­NG JEUDI 28 FÉVRIER, 20 H 55, SUR ARTE. 12/20

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