Le concert d’une mémoire à vif
C’est en allant écouter Patti Smith le 20 octobre 2015, à l’Olympia, que Nicolas Houguet s’est laissé dériver vers les souvenirs de sa vie. Il parle de la « dimension proustienne » de ce concert hypnotique, où le « désespoir primal et poétique » de la chanteuse l’a transporté si haut. La beauté appelle alors la beauté. Et pourtant, il fallait du courage à Nicolas pour venir seul dans la salle, lui qui est en chaise roulante. Et son coeur battait aussi de savoir présente, parmi la foule, la femme qu’il a aimée. Pendant deux heures, chaque chanson le renvoie ainsi à son histoire.
Quelle magnifique idée que cette forme d’autobiographie musicale. On est bouleversé par le récit d’une enfance marquée par la douleur, Nicolas étant né handicapé moteur. Avec une pudeur qui confine à l’humour, il écrit : « Je ne serai jamais Nijinski. » On souffre avec lui quand il raconte la cour de l’école : « J’étais exclu des jeux des autres et l’avenir ne m’appartenait pas. » Il parle de ses parents, de son frère, de sa grandmère qui l’emmenait fleurir les tombes délaissées dans les cimetières. Ces amours sont merveilleuses, mais ce qui le hante, c’est la sensualité. « Je suis un sensuel contrarié. Tout passe par le corps. Même les mots, surtout les mots », confesse-t-il sans le moindre pathos.
C’est pourtant bien la littérature qui va faire battre son coeur. Pour cet homme solitaire, les romans sont des « compagnons vivants ». L’art peut non seulement vous sauver, il peut aussi vous réconcilier avec vous-même, telle est la sublime leçon offerte par Nicolas. Au fil du concert, il évoque les figures de son panthéon artistique, de Jim Morrison à Charles Baudelaire en passant par Woody Allen, cette famille d’étoiles qui l’a aidé à se construire. Magnifiquement écrit, ce récit est une ode à la beauté qui offre un espoir en toute chose.
L’ALBATROS
PAR NICOLAS HOUGUET. STOCk, 230 P., 17,50 €.