L'Express (France)

MRS CALIBAN

- S. B.

PAR RACHEL INGALLS, TRAD. DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR CÉLINE LEROy. BELFOND, 144 P., 16 €. 16/20

Une jeune femme modeste et jolie. Un monstre mi-homme, mi-amphibien, torturé dans un labo, qui s’échappe. Une idylle de conte de fées qui fait des vagues. Diantre, voilà qui rappelle un truc. Plusieurs, même. Allons-y dans l’ordre. Captivée depuis l’adolescenc­e par un classique du cinéma fantastiqu­e signé Jack Arnold, L’Etrange Créature du lac noir, Rachel Ingalls s’en inspire pour écrire Mrs Caliban, en 1982. Accueil mitigé du bouquin, tombé dans l’oubli. Là-dessus déboule le réalisateu­r Guillermo del Toro. Qui puise en partie le script de La Forme de l’eau dans le livre de Rachel Ingalls et le film de Jack Arnold. Triomphe, publicatio­n subséquent­e d’un roman tiré du scénario.

La mise en abyme flanque le tournis. Tout ce fourbi ressuscite Mrs Caliban, rééditée en 2017 sous les hourras du gotha des lettres anglo-saxonnes, traduit en français cette année. L’écrivaine est décédée le 6 mars dernier, laissant derrière elle une love story surnaturel­le qui va au-delà de l’éloge à la différence, vers une fine parabole sur la perte, la trahison et le désir, la condition féminine et la guerre insidieuse que se livrent les humains. Dorothy Caliban est une femme au foyer effacée, trompée par un mari dédaigneux, blessée par la mort de ses deux enfants. Sa rencontre avec Larry, un géant vert évadé d’un institut de recherches océanograp­hiques, est une révélation. Avec ce titan à tête de grenouille, elle se découvre sensuelle et libre, l’égale d’un être sans préjugés qui l’oblige à regarder le monde en face en lui posant mille questions. Et en passant l’aspirateur.

On a vu plus monstrueux. Portée par le souffle de la fable, Rachel Ingalls rend l’impossible possible et l’extraordin­aire ordinaire. La fatalité inscrite dans des péripéties à la E.T. foncièreme­nt drôles.

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