PERMIS DE PROCRÉER
PAR ANTOINE BuENO. ALBIN MIChEL, 224 P., 17 €. 15/20 La bombe démographique est le grand tabou de notre temps. La population mondiale croît à un rythme vertigineux, avec les désastreuses conséquences écologiques que nous savons. Pourtant, il se trouve toujours un gentil démographe pour nous expliquer que les choses devraient s’arranger d’ici à un ou deux siècles. Mais, comme disait à peu près le grand économiste John Maynard Keynes : « Quand les statistiques auront raison, je serai mort. » Antoine Bueno a pris le problème à bras-le-corps dans un essai très dérangeant. Premier constat : chaque nouvelle naissance « abîme » un peu plus la planète. une famille américaine qui choisit de ne pas avoir un enfant réduit les émissions de CO2 autant que 684 personnes qui recycleraient leurs déchets à vie. Mais tout concourt à inciter les humains à se reproduire : les religions (« Croissez et multipliez ! »), les nationalismes (un peuple puissant est un peuple nombreux), le capitalisme (chaque nourrisson est un consommateur en puissance). Et puis, Bueno le sait bien : à peine appelle-t-on à la limitation des naissances que l’on est traité d’eugéniste et de malthusien. Et pourtant... Pourquoi l’adoption est-elle un long chemin de croix, alors que n’importe qui peut avoir autant d’enfants qu’il le souhaite ? Aussi Antoine Bueno propose-t-il un très iconoclaste « permis de procréer », un peu sur le modèle du permis de conduire. une enquête psychosociale devrait déterminer le droit de chacun à enfanter. A l’échelle mondiale, un vaste système de compensation financière tenterait d’endiguer la croissance démographique. Disons-le franchement : si le diagnostic alarmiste établi par l’auteur est plus que pertinent, son « permis de procréer » a tout d’une usine à gaz. Il a néanmoins une grande vertu : remettre la question démographique au coeur des débats écologiques.