D’Abba à ZZ Top
Il est 20 heures, vous vous êtes servi votre lemon-Martini et vous vous délectez déjà à l’avance de mettre sur la platine ce bon vieux Harvest, de Neil Young. Retrouver sa couverture légèrement pelucheuse parmi vos vinyles devrait être un jeu d’enfant, pensez-vous. Mais, comme d’habitude, impossible de mettre la main sur le disque que vous cherchez. Vous vous tournez alors vers vos « tours infernales » de CD, mais, là encore, Harvest semble s’être volatilisé. Vous finissez devant BFM TV... Si cette scène vous parle, L’Art de ranger ses disques, le petit livre de Béghin et Blanchet, qui paraît à la veille du Disquaire Day, le 13 avril, est fait pour vous. Plus qu’un problème pratique, classer ses disques serait pour les auteurs un jeu intellectuel. Classement alphabétique d’« Abba » à « ZZ Top » ? Par périodes ? Par genres, avec toutes les subtilités des sous-genres et des disques inclassables, justement ? Par ordre chronologique d’achat, ce qui équivaut un peu à une autobiographie ? A chacun son système. « Sous chaque perfecto se cache un rond-de-cuir », croient savoir les auteurs. Et derrière chaque méthode, une histoire subjective de la musique. Sans oublier les questions métaphysiques : si vous emménagez avec un nouveau conjoint, faut-il faire collection à part ou commune ? Et, en cas de divorce, qui a la garde des disques ? Sans parler de la délicate question du prêt, que les auteurs règlent simplement : « Ne prêtez jamais un disque à un ami. » Truffé de témoignages (le célèbre John Peel de la BBC avait aménagé une maison spéciale au milieu de ses pommiers pour abriter sa collection), ce livre psychologico-pratique aborde aussi le sujet des meubles de rangement (le regretté modèle Expedit d’Ikea). C’est que le fan doit parfois se faire menuisier, avec en ligne de mire le fameux fantasme du « mur complet » de disques. Bien sûr, objectera-t-on, aujourd’hui Spotify et Deezer ont quelque peu réglé le problème. Oui, gain pratique, mais perte d’âme.
L’ART DE RANGER SES DISQUES PAR FRéDéRIC BéGhIN ET PhILIPPE BLANChET. RIVAGES ROuGE, 128 P., 12,50 €. 16/20