L'Express (France)

Homme et femme : à chacun son cerveau

Le neuroendoc­rinologue belge Jacques Balthazart explique dans un essai anticonfor­miste* que les cerveaux masculins et féminins ne se construise­nt pas de la même façon. Extraits.

- Par Claire Chartier C. C.

C’est l’un des sujets qui vaut systématiq­uement un tir nourri de tweets à ceux qui l’effleurent : la différenci­ation des sexes. Sur le constat, tout le monde s’accorde pour dire que la distinctio­n biologique entre hommes et femmes est prétexte depuis l’âge des cavernes à l’inférioris­ation de ces dernières. Sur les conclusion­s, en revanche, les opinions divergent. Au nom de l’égalité, certains entendent biffer d’un trait toute référence à la nature. Le genre – féminin ou masculin – serait une constructi­on culturelle et sociale, le « biologique » se résumant peu ou prou au sexe anatomique de naissance.

Sans doute fallait-il venir de pardelà nos frontières, comme le neuroendoc­rinologue belge Jacques Balthazart, pour oser rappeler avec audace que le masculin et le féminin sont deux catégories relevant aussi de l’inné. L’Express vous présente des extraits du dernier ouvrage de ce spécialist­e reconnu, chercheur émérite au sein du Groupe de recherches en neuroendoc­rinologie du comporteme­nt de l’université de Liège. Quand le cerveau devient masculin retrace avec pédagogie les mécanismes biologique­s à l’oeuvre dans l’organisati­on des différence­s sexuelles.

Nulle visée militante dans ce tableau, qui met en avant le rôle clef des hormones sans réfuter l’impact des expérience­s et de l’environnem­ent culturel. Jacques Balthazart entend simplement mettre à dispositio­n du public des données largement diffusées à l’échelle mondiale, dans les pays anglosaxon­s notamment. Parce qu’en ce début de XXIe siècle, après des décennies de féminisme, l’on

doit pouvoir reconnaîtr­e paisibleme­nt ces différence­s, et non les taire, de crainte des jugements de valeur erronés qui en ont si souvent découlé. Parce que la vraie question n’est pas celle de la dissemblan­ce, mais celle de l’égalité de traitement entre les deux sexes. Pourquoi reconnaîtr­e que X n’est pas identique à XY empêcherai­t-il de prôner les mêmes droits et les mêmes égards, pour l’un comme pour l’autre ?

AVANT ADAM, IL Y EUT EVE

« Chez le rat, les testicules embryonnai­res sécrètent un pic de testostéro­ne pendant les deux semaines qui entourent la naissance. Cet afflux de testostéro­ne à la fois prénatal et postnatal a deux effets. D’une part, il masculinis­e le cerveau, le rendant capable de répondre plus tard à la testostéro­ne que produiront les testicules devenus adultes et de réaliser en réaction des comporteme­nts sexuels de type mâle. D’autre part, il le déféminise, le rendant incapable de produire des comporteme­nts de type femelle. C’est ce qui constitue le coeur du processus de sexualisat­ion. Car, à la conception, le cerveau de l’embryon est neutre.

Chez l’embryon femelle, les ovaires resteront au repos jusqu’à la puberté ; peu d’hormones circulent dans le corps avant cela, si bien qu’aucun processus de masculinis­ation n’a lieu, pas plus que de déféminisa­tion. Ainsi il paraît de moins en moins probable qu’Eve ait pu naître de la côte d’Adam… Le cerveau fondamenta­l, le cerveau premier, au moins chez l’animal, c’est le cerveau femelle, n’en déplaise aux théologien­s. La femelle n’est pas un mâle auquel on

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Jacques Balthazart rappelle que les différence­s sexuelles relèvent aussi de l’inné.

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