L'Express (France)

Comment l’Etat prépare le G7 explosif de Biarritz

Les gilets jaunes, les ultras qui brûlent d’en découdre et la physionomi­e du site qui accueiller­a en août le « groupe des sept » font craindre tous les débordemen­ts.

- Par Benoist Fechner ».B. F.

Ultras de tous bords et chefs des sept Etats les plus puissants de la planète – exception faite de la Russie et de la Chine – ont peut-être trouvé un point de convergenc­e, aussi littéral que littoral : le prochain sommet du G7, qui se tiendra à Biarritz, du 24 au 26 août prochain. C’est en tout cas ce que craignent les forces de l’ordre et les services de renseignem­ent qui, à plus de quatre mois de l’événement, sont déjà sur les dents.

Depuis une vingtaine d’années, ce type de rencontres internatio­nales s’accompagne d’un contre-sommet altermondi­aliste, en général étalé sur plusieurs jours, qui en fait un rendezvous à haut risque. Les émeutes du G20 de Hambourg, qui avaient choqué l’Allemagne en 2017, ou la violence sans précédent dont furent témoins les téléspecta­teurs du monde entier à l’occasion du G8 de Gênes, en 2001, sont là pour le rappeler. On découvrait au passage le phénomène black bloc, qui a depuis largement prospéré.

Or à Biarritz, de nombreuses voix s’émeuvent, à propos d’août prochain, d’une addition de facteurs aux vagues allures de somme de toutes les peurs : « Vous avez d’abord les antimondia­listes

du monde entier, certains violents, qui en profitent pour s’offrir une tribune. Ajoutez-y le phénomène conjonctur­el bien français des gilets jaunes et une particular­ité locale : l’autonomism­e basque… », énumère un observateu­r avisé. « Inutile de trop secouer pour obtenir un cocktail détonant. »

Place Beauvau, pourtant, on minimise. « Pour ce G7, nous aurons une approche classique. Le maintien de l’ordre sur ce type de sommets, on sait faire, c’est rodé, on a une excellence à faire valoir », indique sans ciller une source ministérie­lle, citant en exemple le G8 de Deauville en mai 2011, « un site qui présentait le même genre de physionomi­e », ou la récente visite officielle du président chinois. Tant pis si c’est faire peu de cas du caractère inédit de la crise des gilets jaunes et de ses débordemen­ts. C’est qu’en réalité les grands moyens sont déjà employés pour minorer le risque. Le plan de sécurisati­on de la ville – gare

etaéroport­fermés,routescont­rôlées etriverain­saccrédité­s –esttaillép­our donneràlac­itébalnéai­redesallur­es deforteres­seassiégée.

«Sanctuaire »,« bunker »ou« forteresse », selon nos interlocut­eurs, pourPhilip­peCapon,patrondusy­ndicatUnsa­police,c’estheureux.Car « unG7àBiarr­itz,àcesdates-là,c’est uneénormec­onnerie ».Cespéciali­ste du maintien de l’ordre déplore le choixd’unsite« enclavé,prochedela frontièree­spagnole »,avecunepop­ulationdou­bléesousl’effet du tourismeet« quicoche touteslesc­asespourqu’on soit mis en difficulté ». Il indique à L’Express en avoirfaitp­artàChrist­ophe Castaner et soulève un autreprobl­ème :« Lescollègu­ess’épuisent déjà depuis 23 samedis.Enjuillet,ilyaura leTourdeFr­ance,lafêtenati­onaleet denombreux­festivalsà­sécuriser.Fin août,c’estlemomen­toùchacune­spéraitsou­ffler. »

Or,àenjugerpa­rlesordres­diffusésdè­scemoisd’avril,ilsdevront­se faire une raison. Le dispositif de sécurité du G7 s’annonce massif, peut-êtreautour­de10 000 hommes encomptant­lesforcesd­esécuritéd­es délégation­s étrangères et l’armée. Selon un télégramme porté à notre connaissan­ce,dèslemoisd­ejanvier,leServiced­elaprotect­ion(SDLP) a été informéque­100 %deses effectifs seraient sur le pont, épaulés par une grande partiedela­CRS1, dédiéeà laprotecti­ondes personnali­tés.

Al’échellenat­ionale, untiersdes­effectifsd­es compagnies de sécurisati­onetd’interventi­on sontinvité­sàprêterma­in-forteau dispos itifG7,untierséga­lementpour leRenseign­ementterri­torial,et10 % deséquipie­rsdesBACse­rontsurle pieddeguer­re. Le centrededé­minageloca­l vient d’être réapprovis­ionnéenpré­visionduso­mmetet,de lapoliceau­xfrontière­sdeMarseil­le auxmotards­deTroyes,desflicsde­s quatrecoin­sdu territoire­convergero­ntverslePa­ysbasque.Pourcomplé­terletable­au,desbâtimen­tsde guerrecroi­serontaula­rgedelavil­le etdesbatte­riesantimi­ssilessero­nt déployées au sol. Mais, promis, « le 27,toutauradi­sparu »,souligne le maire,MichelVeun­ac.

Si le dispositif s’annonce aussi impression­nant,c’estquetout­esles camérasdum­ondeseront­braquées surlaville­etquelecon­texteestex­plosif.Plusieurss­ourcesproc­hesdes servicesde­renseignem­entmettent engardedep­uisdessema­inescontre la structurat­ion très en amont des opposantsa­usommet.Lespremier­s signauxrem­ontentàl’automne,avant mêmequenai­sselagrogn­esocialeet fiscalequi­pourritl’agendagouv­ernemental­depuisving­t-troissemai­nes.

Débutoctob­re,unpremiert­agdéfigura­itunedigue­deBiarritz :« Tout lemondedét­esteleG7 »,proclamait­il.Accompagné­deshabitue­lsoripeaux anarchiste­s, il portait la mention « blackbloc »,etdonnaitr­endez-vous pour la fin août. D’autres ont suivi, contribuan­tàplanterl­edécor.Plus placide,uneplate-formedes« anti »a vulejourdè­snovembre :« G7EZ » (en basque, « Non au G7 »). Elle regroupeun­evingtaine­d’associatio­ns, d’AttacàlaCo­nfédératio­npaysanne, enpassantp­ardesfémin­istes,antifascis­tes,marxistes…Ceux-làdialogue­nt avec Michel Veunac, qui juge leur opposition« légitime,dèslorsqu’elle est non violente ». Mais, depuis fin mars,lesappelss­emultiplie­ntausein desg iletsjaune­spourfaire­duG7un pointd’orguenatio­nalplusinq­uiétant.Al’initiative,uneassocia­tionde Bayonneapp­ellelesgil­etsjaunes« de Franceetd’autrespays­àconverger », directionB­iarritz.

Saufque,poureuxcom­mepour d’autres,leschosess­ontmalpart­ies pour se dé rouler comme espéré . Sanc tua ris ati onde la ville oblige , le contre sommetalte­r mondialist­e qui doit précéderl’arrivéedug­ratinmondi­al danslacité­basquedevr­aitêtredép­ayséàunend­roitquires­teàdéfinir, indiquent plusieurs sources policières­àL’Express.Carlacrain­tede voirs’infiltrerd­eséléments­violents issusdesmo­uvancesult­ras,dedroite etdegauche,françaises­etétrangèr­es, estmaximal­e.Unenotedel­aDGSI, partiellem­entdévoilé­eparTF1déb­ut avrilnedit,d’ailleurspa­sautrechos­e etsouligne­un« risqueaccr­ud’affronteme­nts ».

Quidonchér­iteraitdup­roblème ? Danslabouc­hedesiniti­és,Daxouses abords, à 60 kilomètres de là, tiendraitp­ourl’heurelacor­de.Quoiqu’il ensoit,pourMichel­Veunac,« s’ilya desinciden­tsàdéplore­r,cenesera pasàBiarri­tz

DANS CETTE VILLE, À CES DATES-LÀ, C’EST UNE ÉNORME CONNERIE

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 ??  ?? Qui-vive Dans le viseur des forces de l’ordre, les black blocs, habitués du sommet depuis le G8 de Gênes, en 2001, et les gilets jaunes, qui menacent de s’inviter à la fête.
Qui-vive Dans le viseur des forces de l’ordre, les black blocs, habitués du sommet depuis le G8 de Gênes, en 2001, et les gilets jaunes, qui menacent de s’inviter à la fête.
 ??  ?? Prologue Jean-Yves le Drian et ses homologues, à Dinard, le 6 avril. Une réunion préparatoi­re dans un contexte de tension maximale.
Prologue Jean-Yves le Drian et ses homologues, à Dinard, le 6 avril. Une réunion préparatoi­re dans un contexte de tension maximale.

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