Bouquinons, bouquinons !
La collection Bouquins ne fête
« que » ses 40 ans ? On aurait juré qu’elle était là depuis bien plus longtemps, tant ces gros livres qui restent miraculeusement ouverts une fois posés sur une table – grâce à une petite diablerie dans la reliure – font partie intégrante de nos bibliothèques. Depuis le tout premier volume – la réédition d’Une histoire de la musique, de Lucien Rebatet ! –, plus de 600 titres de ce que son fondateur, Guy Schoeller, avait ironiquement baptisée « la Pléiade du pauvre » ont vu le jour. La collection nous a toujours ravis par son éclectisme fou : Shakespeare et San-Antonio, Maurras et Fantômas, Casanova, Vialatte… Au fil de ces quatre décennies, ces « Bouquins » sont devenus de fidèles compagnons de vie, que l’on n’hésite pas à emporter en voyage, à corner, à user. On en connaît qui ont en permanence l’énorme Mille et Cent Ans de poésie française, de Bernard Delvaille, sur leur table de chevet. D’autres ne jurent que par les deux volumes de Souvenirs entomologiques, de Jean-Henri Fabre.
En enfermant tant de chefs-d’oeuvre introuvables ou inédits dans un parallélépipède de 13,2 sur 19,8 centimètres, la collection, qui ne fut dirigée que par trois hommes en quarante ans – Guy Schoeller, Daniel Rondeau, Jean-Luc Barré –, a beaucoup fait pour notre plaisir de lecture. Qu’elle en soit remerciée ici. Mais, alors, pourquoi avoir eu l’idée saugrenue de demander au styliste Christian Lacroix de dessiner dix couvertures « collectors » pour la collection à l’occasion de ce 40e anniversaire? Le résultat est bariolé, chargé, kitsch en diable.
On ne distingue même pas le nom de Paul-Jean Toulet sur la couverture hideuse du volume qui lui est consacré. Un comble ! Bouquins est une chose trop sérieuse pour être confiée à un créateur de mode.