Israël, l’espoir maintenant
Trois livres qui montrent que l’Etat juif est, pour le meilleur et pour le pire, à un tournant peut-être prometteur de son histoire.
Alors que le chef de la droite israélienne, Benyamin Netanyahou, entame un cinquième mandat, trois ouvrages permettent de décrypter le moment spécifique, dense, risqué et, en même temps, prometteur que vit Israël.
Paru peu après le 70e anniversaire de l’Etat, Retour à Altneuland (1), l’essai du politologue Denis Charbit, maître de conférences à l’Open University d’Israël, est de ceux-là. Prenant acte de la crise durable que traverse le progressisme israélien, avec l’extinction de l’utopie des kibboutz et la difficulté de la gauche à s’adresser au peuple, il propose un état des lieux nuancé de la société. Et il n’hésite pas à affirmer que les énergies transformatrices qui ont créé ce pays ne l’ont, malgré les apparences, nullement déserté. Charbit parle même de « nouveaux foyers d’agitation utopique dans l’Israël contemporain ». Qu’est-ce à dire? Theodor Herzl, dans son livre Altneuland, se fait le chantre du volontarisme bâtisseur avec ce slogan : « Si vous le voulez, ce ne sera pas une légende. » Mais voilà, précise Charbit en citant le dramaturge Joshua Sobol, « Herzl a écrit une pièce dont nous sommes aujourd’hui les acteurs. C’est l’heure, maintenant, du quatrième acte. » En quoi consiste-t-il ? Charbit, fidèle aux idéaux historiques du camp de la paix, l’affirme : « La paix et la réconciliation avec les Palestiniens, le contrat social avec les Palestiniens d’Israël, la légitimité retrouvée de l’exigence égalitaire, le souci de l’équité envers l’étranger […], l’utopie n’a pas dit en hébreu son dernier mot. » Qui sait, en effet ?
En attendant, il faut lire Il était une fois en Israël (2), le – très beau – livre du réalisateur et homme de télévision Serge Moati, déclaration d’amour souffrante à ce pays, écrite, en partie, au passé. Cette nation-là, qui fait résonner tant d’harmoniques dans les imaginaires, l’ami de Shimon Peres confesse l’avoir « profondément aimée ». Sincère, infiniment émouvante,
désarmante même par sa simplicité et son ton direct, sa confession conduit à réfléchir sur cette implosion des idéaux de la gauche qui rend plus que plus nécessaire la réinvention du sionisme. L’utopie pourrait-elle encore revenir par la petite porte, à la faveur de la recomposition régionale qui s’opère silencieusement? C’est ce qu’entrevoit Moati, qui écrit : « Israël grandira et “aimera” ses ennemis d’hier. Est-ce possible ? Je l’espère de tout mon coeur. De toutes mes forces. »
C’est aussi ce que suggère, avec force arguments géopolitiques, la conversation entre le colonel Olivier Rafowicz et Haïm Musicant. Sous le titre Israël, une chance pour le monde (3), les deux hommes décrivent un Proche-Orient en ébullition créative. Dans cet environnement « aride », « dur », un élément d’espoir est bel et bien à l’oeuvre : le « rapprochement » inédit de l’Etat hébreu avec certains de ses voisins arabes – rapprochement tant économique que logistique, et même géostratégique, avec la Jordanie, l’Egypte et une Arabie saoudite qui fait contrepoids à l’Iran et « veut arriver à un arrangement ».
Un horizon se profile donc, dans l’exacte mesure où, comme l’affirment les auteurs, « les Arabes palestiniens, les juifs, le monde entier aspirent à une vie correcte ». Rafowicz et Musicant sont certains que, dans les années qui viennent, la désormais 8e puissance mondiale s’affirmera comme un hub régional, notamment en matière de technologie et de recherche et développement, suscitant un cercle vertueux qui entraînera les voisins arabes, jusqu’à bouleverser la physionomie de la région tout entière…
(1) Retour à Altneuland. La traversée des utopies sionistes, par Denis Charbit. L’Eclat poche.
(2) Il était une fois en Israël, par Serge Moati. Fayard.
(3) Israël, une chance pour le monde, par Olivier Rafowicz, avec Haïm Musicant. Les éditions de Passy.