PLOUESCAT LE FINISTÈRE SAUVAGE
Dans ce village breton, la nature a encore l’ascendant sur les touristes. Une région à redécouvrir à travers sa faune, sa flore et des paysages méconnus.
Il y a la Bretagne de villégiature, des résidences secondaires, des rangées de crêperies sur les quais, et il y a celle de Plouescat. Un bourg de 3 600 habitants donnant sur la côte nord du Finistère, un clocher de 60 mètres de hauteur qui domine la plaine et 13 kilomètres d’un littoral resté sauvage où se succèdent plages de sable fin et chaos granitiques. La nature y est aussi préservée que l’accent breton par ses locaux, tous prêts à vous donner un cours d’ornithologie ou de botanique. Si, toutefois, vous les croisez, puisqu’en balade, à certains endroits, vous aurez plus de chance de tomber sur des oiseaux migrateurs ou des orchidées sauvages que sur des randonneurs. La ville ne plonge pas dans l’effervescence estivale des vacanciers, mais fait tout pour accueillir le voyageur qui vient s’y ressourcer. « Il y a une manne touristique singulière dans notre commune. Les
gens viennent chercher le calme de la côte bretonne que l’on ne retrouve plus dans d’autres villes aux alentours », nous confie Eric Le Bour, maire de la petite commune. Quelques-uns tombent par hasard sur Plouescat, en descendant de Roscoff, sa voisine plus connue, au nord. « Ils sont vite séduits par l’esprit village », nous vante M. le maire. Cette atmosphère bucolique, on la retrouve au coeur de la commune, sous les halles en charpente de chêne vieilles de cinq siècles, où se rassemblent chaque samedi les agriculteurs du pays.
MUSÉE NATUREL
En dehors du petit centre-ville, peu de bâtiments se visitent à Plouescat. Les plus imposants monuments restent les rochers, qui portent chacun un nom, et servent de point de repère sur le littoral. Une vingtaine de croix et de calvaires graniteux ponctuent les routes de la commune et donnent les directions à prendre. En allant vers le nord, on tombe d’abord sur le rocher de l’Eléphanteau, qui ouvre la Côte des Sables plouescataise et surplombe la première plage, Poulfoën. Il faut attendre que la marée descende avant de pouvoir y mettre un pied. Une fois que la mer a pris ses distances, le voyageur découvre une pataugeoire enclavée dans les rochers et encensée par l’odeur salée du goémon (des algues brunes). La faune locale vient s’y ravitailler en coquillages, tout comme les quelques habitants qui font le plein de coques et de palourdes. « Pas moins de 3 centimètres pour les coques que l’on ramasse », vous préviennent les locaux, qui veillent à ce que l’écosystème soit respecté.
Au sud, le rivage verdoyant laisse place à un musée naturel de sculptures rocheuses. Deux éléments se détachent au premier plan. Le premier, le rocher des Korrigans, est un vestige des légendes bretonnes, puisqu’il cacherait ces malicieux lutins prêts à sortir la nuit pour réaliser leurs espiègleries. Le second, plus imposant, est le menhir Cam Louis (cam voulant dire « de » en breton, et « Louis » rendant hommage au Roi-Soleil), mégalithe de 7 mètres dominant la pointe, dressé par nos ancêtres du Néolithique vers 3000 av. J.-C. pour des raisons encore obscures, cultuelles ou funéraires, pense-t-on.
Après avoir dépassé le Gisant, un rocher qui épouse les formes d’un visage, on tombe sur la plage de Menfig, « la plus belle de la Côte des Sables », affirme Marie-Françoise, commerçante du village. « Ne le dites pas à tout le monde », plaisante-t-elle. Difficile de garder le secret lorsque l’on découvre derrière les dunes un lit de sable blanc bordé par une mer turquoise et transparente, vide, à l’exception de MarieFrançoise et de son mari. Ne vous y méprenez pas, la couleur tropicale de l’eau ne la rend pas plus chaude : les températures restent, elles, bien bretonnes. Pas de quoi décourager les Plouescatais, qui vantent les bienfaits d’un bain dans cette mer froide : « Ma voisine a 86 ans et se jette deux fois par jour dans l’eau, à 11 heures et 16 heures », nous confie Marie-Françoise.
Le bijou de Plouescat, la baie du Kernic, est en fin de parcours, à l’ouest. Une cuvette sableuse de 250 hectares,
inondée au rythme des marées. Le site, classé Natura 2000, est un refuge pour de nombreux oiseaux aquatiques : tadornes, bécasseaux, gravelots… C’est ici aussi que se retrouvent les amoureux des grands espaces et les amateurs d’adrénaline. Yann, natif du pays, taillé comme un rugbyman, y dirige un centre de char à voile. Il y accueille également les écoliers des établissements alentour pour leur faire découvrir la faune locale. « Lorsque l’on voit que de jeunes Bretons ne sont plus capables de différencier un coquillage d’un autre, il devient impératif qu’ils connaissent la nature qui les entoure », soutient le quinquagénaire.
En fin de journée, la mer reprend ses droits et submerge calmement la baie. Le meilleur moment pour admirer cet immense miroir aquatique, qui épouse les couleurs pêche du ciel, avant de tourner au mauve et de refléter enfin le disque lunaire. C’est avec cette image que l’on quitte Plouescat, en comprenant à quel point le village a été généreux en souvenirs, avec le sentiment d’avoir goûté à une autre Bretagne qui a su conserver son plus beau trésor : ses paysages.