CHÂTEAU SOUS EMBARGO
La Rochepot est fermé. Son propriétaire, un riche Ukrainien, avait promis monts et merveilles au voisinage. Il dort sous les verrous.
S’il savait, Régnier Pot, fier chevalier de la Toison d’or du xve siècle, quelles turpitudes le xxie siècle fait connaître au château auquel il a donné son nom ! Car le château de La Rochepot, haut lieu touristique de Côte-d’Or, a remonté son pont-levis. « Jusqu’à nouvel ordre », commente simplement l’office de tourisme. En fait, le monument historique a été saisi par la justice, et son propriétaire actuel, un Ukrainien d’une trentaine d’années, croupit au fond d’une geôle. Une histoire rocambolesque dont le quotidien dijonnais Le Bien public a tenu la chronique.
En 2015, une société luxembourgeoise se paie le château pour 3 millions d’euros. Il était à vendre depuis plusieurs années, sa propriétaire, une descendante de l’illustre famille Carnot, de Nolay, ayant choisi de vivre à Los Angeles plutôt que sur ses terres de Bourgogne. Les nouveaux acquéreurs sont ambitieux et projettent notamment d’ouvrir une boutique de produits locaux, voire de faire de l’endroit « un Disneyland autour du vin » pour attirer des flots de touristes dépensiers. Pourquoi pas ? Après tout, La Rochepot est déjà un vrai-faux château fort, détruit à la Révolution puis rebâti à la mode médiévale au début du xxe siècle. Dans le village, ces nouvelles perspectives éveillent beaucoup d’espoir car l’activité sommeille depuis trop longtemps.
Ce sont d’abord les artisans locaux qui flairent l’embrouille. Ils ne sont pas payés pour leurs travaux de rénovation, alors qu’ils savent que Dmitri Malinovsky, le véritable ayant droit de la structure luxembourgeoise, joue au grand seigneur dans les restaurants et les commerces de Beaune, la ville voisine où il a établi domicile. En octobre 2018, son château de cartes s’effondre. Le châtelain venu de l’Est est arrêté par les gendarmes pour le compte d’Europol, la police européenne. Il s’avère qu’il est recherché en Ukraine pour plusieurs affaires de blanchiment d’argent à grande échelle. Depuis 2014, c’est un fugitif qui a eu la bonne idée de fournir un faux certificat de décès aux autorités de son pays pour tenter de se faire oublier. En France, il nage dans l’opulence. Derrière les murs du château, les enquêteurs mettent la main sur une Rolls-Royce Phantom, des lithographies de Salvador Dali, des bijoux et des montres de luxe. Sans compter quelques centaines de milliers d’euros en gros billets.
Combatif, l’Ukrainien assure être victime d’un complot politique. L’enquête sera longue, ce qui l’arrange, car il n’est pas pressé d’être extradé. En attendant, les habitants de La Rochepot pleurent leur attraction touristique, et plus personne n’entretient le château.