L’ESPOIR DE VAINCRE LE SIDA
La chercheuse Marina Cavazzana, de l’Institut Imagine, à Paris, s’apprête à tester un traitement chez des patients séropositifs pour les débarrasser du VIH.
Et si, pour guérir le sida, on utilisait… le virus du sida ? L’idée peut surprendre, mais c’est pourtant ce que s’apprête à tenter une équipe de médecins parisiens, sous la houlette du Pr Marina Cavazzana, hématologue à l’hôpital Necker (AP-HP) et spécialiste de la thérapie génique à l’Institut des maladies génétiques (Imagine). Les lentivirus, la famille de virus à laquelle appartient le VIH, n’ont en effet pas leur pareil pour aller insérer du matériel génétique dans l’ADN d’une cellule. Une fois débarrassés de leur pouvoir pathogène, ils représentent donc un outil de choix pour la thérapie génique, à laquelle cette
scientifique compte recourir pour essayer de débarrasser des patients séropositifs du VIH, et leur permettre d’arrêter leurs traitements antirétroviraux. L’essai clinique doit démarrer dans les prochaines semaines, au sein du service du Pr Eric Oksenhendler, à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP).
DES ESSAIS SIMILAIRES AILLEURS DANS LE MONDE
Une étape clef pour un projet lancé voilà déjà une dizaine d’années. « Tout est parti du cas du patient de Berlin », se rappelle la chercheuse. L’histoire est connue. En 2007, un malade séropositif atteint d’une leucémie doit être traité avec une greffe de moelle osseuse. Mais, au lieu de choisir un donneur au hasard, l’équipe médicale sélectionne un individu porteur d’une mutation génétique rare le rendant résistant au VIH. Et cela fonctionne : après la greffe, le virus disparaît de l’organisme du patient. Timothy Brown – c’est son nom – reste, aujourd’hui encore, exempt de l’infection, comme un autre malade greffé plus récemment dans des conditions identiques. « Nous nous sommes inspirés de cette réussite, en imaginant manipuler génétiquement les cellules souches de la propre moelle osseuse du patient, pour leur conférer cette même mutation. Nous ajouterons une deuxième mutation afin de rendre notre thérapie encore plus efficace », résume le Pr Cavazzana.
L’avantage : éviter de devoir trouver des donneurs, car ceux-ci sont peu nombreux. Une fois prélevées sur le malade, les cellules se verront exposées in vitro à un lentivirus transportant les gènes thérapeutiques. Quand leur génome aura été modifié, elles seront regreffées sur le malade, avec l’espoir d’obtenir le même résultat que pour le patient de Berlin.
Des essais similaires ont déjà démarré ailleurs dans le monde, mais aucun résultat n’a encore été publié à ce jour. « C’est un domaine de recherche très actif », confirme HansPeter Kiem, professeur à l’université de Washington (Etats-Unis) et coorganisateur d’une conférence internationale sur le sujet, qui se tenait fin août à Seattle.
Un tel traitement devrait toutefois rester réservé aux séropositifs atteints d’une tumeur nécessitant une greffe. La transplantation de moelle osseuse demeure une opération lourde et risquée, à laquelle il paraît difficile de recourir dans un autre contexte que celui du cancer. « Mais beaucoup de scientifiques travaillent à la conception de produits de thérapie génique injectables directement aux malades, sans nécessiter de prélèvement de cellules souches ni de greffe », assure le Pr Hans-Peter Kiem. S’ils aboutissent, ces travaux pourraient permettre d’éradiquer cette maladie.