L'Express (France)

Copinage en eau trouble

- E. L.

Le livre est ridicule mais faut-il pour autant en évoquer la présence en librairies quand de bons romans cherchent, parfois désespérém­ent, une place dans les colonnes ou sur les ondes ? Sans doute pas, bien que la sidération qu’il provoque pourrait en justifier le recensemen­t. (Très) cher cinéma français, d’Eric Neuhoff (Albin Michel), est un bouquin réac qui se veut incisif, sorte de geste sans panache à l’endroit du cinéma français, puisque c’est marqué dessus comme le Port-Salut, fromage qui sent beaucoup moins.

Mais ça ne dépasse pas les chevilles d’un auteur qui, pourtant, sait être drôle lorsqu’il s’agit de causer au Masque et la Plume ou d’écrire dans Le Figaro. Lieux où il faut faire court. Quand c’est long (132 pages), c’est moins bon parce qu’il faut réfléchir. La diatribe d’Eric Neuhoff ne sert que la cause de l’auteur ; je ne lui demande même pas d’être objectif, puisque ça se présente comme une claque, mais j’aurais aimé les faits. C’est facile de dire du mal du cinéma français actuel, et j’en serais parfois volontiers, en regrettant le bon temps d’hier. Mais quand il n’y a rien sur tous les mauvais films des années 1950-1970, aussi nombreux qu’aujourd’hui, la théorie se noie et s’aveugle de conservati­sme rance. Neuhoff a le sens unique et giratoire de la formule assassine qui s’épuise à force de tourner en rond.

Et puis lundi 2 septembre est tombée la première liste du prix Renaudot essais, dans laquelle se trouve ça. Je n’ose croire que les jurés, pour beaucoup journalist­es, ont cédé au copinage. Je préfère penser qu’ils ont trouvé quelques qualités à ça. Mais j’ai beau tourner le machin, je penche vers la première raison. Qui serait une raison de coeur plus que d’intelligen­ce. Vu ainsi, c’est beau, c’est vrai. Et je ne peux que m’incliner devant ce copinage qui honore le monde des lettres et de la presse française. Quand des esprits parfois brillants se complaisen­t à dénoncer ailleurs ce qu’ils font entre eux, c’est agaçant. Voire ballot. « Cinéma français : oxymore », est-il écrit page 11. A ranger dans la même catégorie que « Neuhoff penseur », ou « jurés indépendan­ts ».

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