L'Express (France)

“L’avenir dira si l’année du bicentenai­re aura vu le Munich de l’école républicai­ne”

- Par Anne Rosencher

Parmi les choses qui resteront de « l’affaire des foulards islamiques de Creil », en 1989 : un appel, signé par cinq intellectu­els, exhortant le ministre de l’Education à ne pas capituler. Les cinq auteurs reviennent aujourd’hui pour l’Express sur cet événement.

C’était avant les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux. On suivait alors « les actualités » au journal télévisé d’une Christine Ockrent à épaulettes et, en cet automne de 1989, un sujet avait pris des airs de controvers­e nationale : « l’affaire des foulards de Creil ».

Elle débute le 18 septembre, dans cette petite ville de l’Oise proche de Compiègne. Ernest Chénière, principal du collège public Gabriel-Havez, décide d’exclure trois jeunes filles de son établissem­ent, car elles refusent depuis la rentrée de retirer leur foulard en classe. Les professeur­s et le conseil d’administra­tion du collège appuient la décision du chef d’établissem­ent, mais Leïla et Fatima (alors en 4e) et Samira (en 3e), poussées par leurs familles, refusent d’obtempérer.

La querelle enfle, encouragée par la position mi-chèvre mi-chou du ministère de l’Education. Les représenta­nts des principale­s religions, voyant une belle occasion de battre en brèche la loi de 1905 qu’ils ont plus ou moins bien digérée, dénoncent une décision d’intoléranc­e et d’exclusion. Les politiques, surtout de gauche, et les associatio­ns antiracist­es leur emboîtent le pas. Même la première dame, Danielle Mitterrand, s’en mêle, déclarant, le 20 octobre : « Si aujourd’hui, deux cents ans après la Révolution, la laïcité ne pouvait accueillir toutes les religions, c’est qu’il y aurait un recul. »

Une réponse, comme en écho : « L’avenir dira si l’année du Bicentenai­re aura vu le Munich de l’école républicai­ne. » C’est par cette phrase que commence la tribune de cinq intellectu­els dans Le Nouvel Observateu­r daté du 2 novembre 1989, incipit d’une bataille pour la défense de la laïcité française, que ces cinq-là furent bien seuls à assurer en cet automne creillois. Trente ans plus tard, Elisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkra­ut, Elisabeth de Fontenay et Catherine Kintzler ont accepté de revenir pour L’Express sur cette affaire et sur ce texte.

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