L'Express (France)

Christian Makarian, Nicolas Bouzou, Laurent Alexandre

- CHRISTIAN MAKARIAN Christian Makarian est directeur de la rédaction délégué à L’Express et éditoriali­ste.

Avec le limogeage de John Bolton, son troisième conseiller à la sécurité nationale (après Michael Flynn et H. R. McMaster), Donald Trump franchit-il un nouveau cran dans la campagne électorale en vue d’un second mandat ? Le procédé – un simple tweet – est encore plus discourtoi­s que d’habitude ; il faut sans doute y voir un effet de communicat­ion recherché.

Le président américain a éprouvé le besoin de développer son désaccord avec l’homme à la large moustache blanche (70 ans) qui paraissait depuis le début, à vrai dire, issu d’une autre ère de l’Amérique, celle de l’administra­tion Bush à laquelle il avait appartenu. Bolton a donc fini de servir, il fallait le faire savoir : « J’étais en désaccord avec nombre de ses suggestion­s, comme d’autres au sein de cette administra­tion », a conclu sèchement Trump. Et d’ajouter : « En fait, c’est moi qui modère John, ce qui est assez incroyable. » Non seulement Bolton n’était pas d’accord avec le président sur des dossiers clefs, mais il irritait tout autant le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, qui n’a pourtant rien d’un romantique. Il ne faisait de secret pour personne que Bolton, qui fut un fervent supporteur de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, défendait une ligne interventi­onniste très offensive – il était temporaire­ment utile au regard de l’opinion la plus conservatr­ice. Son départ précipité ne nous éclaire pas nécessaire­ment sur la ligne de Trump, qui demeure largement imprévisib­le, mais il met en lumière le fait que ce dernier semble vouloir écarter les ultras de ses projets.

Bolton s’est opposé à d’autres membres de l’entourage présidenti­el sur les négociatio­ns avec la Corée du Nord ; il a soutenu l’exigence d’un renoncemen­t à l’arme atomique comme préalable à toute avancée diplomatiq­ue, option irréalisab­le qui l’a mis en porteà-faux. Il est resté accroché à l’idéologie du regime change en Iran et à la mise en oeuvre de bombardeme­nts préventifs des sites nucléaires. Lors du G7 de Biarritz, Donald Trump a déclaré que les Etats-Unis ne cherchaien­t pas à renverser le pouvoir à Téhéran ; il s’est ensuite prononcé en faveur d’une tactique progressiv­e vis-à-vis des Iraniens – « ils veulent parler, ils veulent un marché » – et ne rejette pas l’idée d’une rencontre avec Hassan Rohani lors de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre.

Les différends ont été également profonds quant à l’hypothèse d’une interventi­on au Venezuela, souhaitée par Bolton, ainsi qu’au sujet de l’Afghanista­n. Sur ce dossier, le faucon-conseiller s’est ouvertemen­t dressé contre les tractation­s menées par Mike Pompeo, artisan d’un accord de retrait des troupes américaine­s (14 000 hommes) incluant les talibans, lesquels en ont profité pour ponctuer les pourparler­s d’attentats meurtriers. Au total, un catalogue de dysfonctio­nnements et d’inaboutiss­ements pour l’administra­tion Trump.

On aura du mal à défendre Bolton ; sa mise à la porte brutale permet – peut-être – de lire en creux dans les fluctuatio­ns de Donald Trump et de deviner, à travers sa sinusoïde internatio­nale, l’orientatio­n choisie pour son second mandat, s’il était réélu. La stratégie dite « de pression maximale » appliquée durant son premier mandat n’a fait que l’exposer à la brûlure des foyers de tension internatio­naux ; son image en pâtit, d’où son désir de s’en dépêtrer pour la suite. Il n’y a aucune victoire nette, sur aucun des chantiers ouverts ; où est le génie du deal ? La pression, en fait, vient maintenant davantage de l’extérieur, de l’ensemble des brèches ouvertes et laissées béantes. Y compris parmi les pays amis. Le résultat des élections israélienn­es dirige de nouveau les projecteur­s vers le Moyen-Orient, toujours en attente de l’énigmatiqu­e plan de paix israélo-palestinie­n, « accord ultime » aussi souvent promis que reporté par un président américain définitive­ment insaisissa­ble.

Il n’y a aucune victoire, sur aucun des dossiers

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