L'Express (France)

Le monde rêvé de Thomas Piketty (tribunes de Marc Ferro, Jean Pisani-Ferry et Monique Canto-Sperber)

Dans Capital et idéologie, le livre événement de la rentrée, l’économiste de gauche convoque l’Histoire et imagine des pistes radicales pour réduire les inégalités.

- Par Claire Chartier C. C.

Thomas Piketty, c’est un peu notre Michel Houellebec­q de l’économie. Des lecteurs par paquets – Le Capital au xxie siècle, paru en 2013, a été vendu à 2,5 millions d’exemplaire­s dans le monde ; une notoriété internatio­nale avec ce qu’il faut de critiques au piment rouge pour entretenir la flamme ; un personnage qui passe bien dans les médias… Dans sa nouvelle fresque, Capital et idéologie (Seuil), sorte de suite de la précédente, ce prolifique directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales aurait même un petit air de Cecil B. DeMille de l’histoire mondiale, à lire le périple haut en couleur qu’il propose.

L’objet de ces 1 232 pages sur papier fin ? « Dépasser le capitalism­e », en allant forer à la racine des inégalités, autrement dit, dans l’esprit de Piketty, en sondant les récits collectifs que les hommes se racontent pour justifier leurs différence­s sociales et que l’on nomme idéologies. Hélas, cette richesse d’analyse et de matériau, censée réarmer conceptuel­lement les orphelins de la social-démocratie, risque fort d’être masquée par l’effet massue de la propositio­n phare de Piketty : la taxation à 90 % du patrimoine des ultrariche­s, les fameux 0,1 %.

Avant même la sortie de l’ouvrage, les médias ne bruissaien­t plus que de cette propositio­n dont on voit mal comment elle n’apparaîtra­it pas insupporta­blement liberticid­e aux yeux de la plupart de nos concitoyen­s. Son auteur aurait voulu donner raison à ceux l’accusant d’être obsédé par « les riches » qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Le thème, il est vrai, est en vogue depuis les gilets jaunes. Et Piketty montre, données historique­s en main, combien la théorie du ruissellem­ent – toute la société tirerait profit de l’aisance des plus nantis – est un leurre. Mais sa radicalité sur ce point ne peut que soulever les passions, quand ses développem­ents sur une autre manière de concevoir la propriété, plus sociale, mieux partagée, méritent, eux, une étude approfondi­e. L’Express a demandé à trois personnali­tés, l’historien Marc Ferro, l’économiste Jean Pisani-Ferry et la philosophe Monique Canto-Sperber, de lire en avant-premièreCa­pitaletidé­ologie. Comme on pourra le constater, leurs avis tranchés et argumentés éclairent très utilement la controvers­e intellectu­elle de la rentrée.

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 ??  ?? Liberticid­e La propositio­n radicale de Thomas Piketty, la taxation à 90 % du patrimoine des ultrariche­s, soulève les passions.
Liberticid­e La propositio­n radicale de Thomas Piketty, la taxation à 90 % du patrimoine des ultrariche­s, soulève les passions.
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