L'Express (France)

Le style de… Dominique Bona

- Par Aliocha Wald Lasowski

Romancière et biographe, Dominique Bona est l’une des rares femmes élues à l’Académie française. Alors que Grasset réédite sa biographie de Berthe Morisot, à l’occasion de l’exposition que le Musée d’Orsay consacre, jusqu'au 22 septembre, à la première figure féminine de l’impression­nisme, elle explore dans un récit personnel le style de ses enquêtes biographiq­ues, qui tissent une intimité avec les personnage­s : Colette, Camille Claudel, Romain Gary ou Stefan Zweig.

l’express Quel est le secret du style de vos biographie­s, où les portraits littéraire­s forment les personnage­s de votre famille imaginaire ?

C’est un mélange personnel de rigueur et de passion, de clarté et de mystère, de volonté de connaître et d’approche sensible, voire un peu irrationne­lle. Ni exercice d’érudition ni exhaustivi­té documentai­re, le style biographiq­ue aborde un être humain, le sens de sa vie. Venus d’un lointain passé, ces hommes et femmes ont encore tant de choses à nous dire aujourd’hui.

Un style pas si éloigné du roman ?

Ecrire, c’est chercher l’essence filtrée des êtres et de l’existence. Le biographe et le romancier cherchent tous deux à saisir le coeur et l’émotion. Un but commun, mais des approches différente. Eclairer nos propres vies par d’autres destins. Une histoire différente de la nôtre permet de mieux se connaître. Le romancier invente, le biographe cherche. Dans les deux cas, par un jeu de miroirs, la fiction et l’enquête ramènent forcément à soi.

Qui sont réellement ces figures littéraire­s, au-delà de leurs styles légendaire­s?

L’artiste dont je suis biographe, qu’il s’agisse de Paul Valéry, poète national célébré par le général de Gaulle, ou de Romain Gary, écrivain dont la vie est un roman, a une célébrité mythique. Il faut retrouver le facteur humain, contrebala­ncer la légende par un oeil lucide qui, dans l’élan premier, s’avance vers l’autre, oublie son monde étroit et se consacre entier à une personnali­té. Le biographe doit contrôler ses émotions, se surveiller en permanence et garder une objectivit­é. C’est un jeu d’équilibre.

Mes vies secrètes, une tentative de vous comprendre ?

J’ai voulu arrêter les horloges, revenir sur mes années passées à écrire la vie de l’autre. Pourquoi avais-je fait tout cela, m’éloigner du roman et trouver tellement de bonheur dans l’écriture biographiq­ue ? Il y a une sorte de nourriture extraordin­aire dans cet exercice. Quelque chose passe du personnage à l’auteur. Je ne mélange jamais le romanesque et le biographiq­ue, ce serait se détourner du véritable charme, qui est de jouer sur le vrai. Pour traiter du matériau vivant ou réel, il n’y a pas de besoin d’en rajouter, ce serait une faute de goût, la vie de ces femmes et de ces hommes est si pleine.

Quel est le style de Berthe Morisot, combattant­e acharnée et peintre de l’intériorit­é et de l’indécision ?

C’est la première fois qu’elle a droit à une expo à elle seule dans ce grand musée national qu’est Orsay. La consécrati­on a lieu enfin. Claude Monet et Berthe Morisot sont les deux peintres qui incarnent le mieux l’impression­nisme. Artistes de la lumière, ils opèrent par petites touches, avec un jeu incroyable de transparen­ce et une envolée des couleurs qui leur est propre. Cette femme a placé très haut l’idéal de la peinture. Le style du pinceau de Berthe Morisot fixe les petits bonheurs éphémères de la vie. Une vibration magnifique.

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XXMes vies secrètes. Gallimard, 320 p., 20 €.
DERNIER LIVRE PARU XXMes vies secrètes. Gallimard, 320 p., 20 €.

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