LES CERVEAUX EN ÉPROUVETTE INAUGURENT LA NEURORÉVOLUTION
Une équipe de biologistes de l’université de San Diego, en Californie, a réussi à cultiver en éprouvette de minicerveaux dotés d’une activité électrique neuronale complexe. Depuis 2010, les scientifiques ont appris à utiliser des cellules souches adultes pour développer des organoïdes, c’est-à-dire des groupes cellulaires formant un organe. Pour fabriquer un organoïde, ils introduisent des cellules souches humaines dans une matrice pour réaliser la culture tissulaire en trois dimensions.
Pour la première fois, des minicerveaux organoïdes ont produit des ondes cérébrales comparables à celles d’un bébé prématuré. Alysson Muotri, l’un des biologistes responsables de cette étude, est enthousiaste : « Vous m’auriez demandé il y a cinq ans si je pensais qu’il serait possible qu’un organoïde cérébral développe un réseau sophistiqué pouvant générer des oscillations, j’aurais dit non. Nous avons fait un pas vers un modèle capable de générer ces stades précoces du développement d’un système nerveux sophistiqué. On peut utiliser ces organoïdes à de nombreuses fins, parmi lesquelles la compréhension du neurodéveloppement humain, la modélisation de maladies, l’évolution cérébrale, les tests médicamenteux – et même en intelligence artificielle. »
L’activité électrique de ces minicerveaux est apparue après deux mois de culture. Les signaux étaient rares et gardaient une fréquence identique, comme les cerveaux humains immatures. A mesure du vieillissement, les ondes cérébrales ont été produites à différentes fréquences et à intervalles plus réguliers. En comparant le développement de ces minicerveaux aux données recueillies chez 39 bébés prématurés, les scientifiques ont montré que les évolutions étaient similaires. Les minicerveaux âgés de dix mois présentaient des électroencéphalogrammes irréguliers proches des cerveaux de prématurés .
Ces organoïdes pourraient être utilisés dans l’étude de maladies comme l’autisme – l’un des sujets de prédilection de l’équipe –, ou Alzheimer. Ils pourraient être développés à partir des cellules d’un patient atteint de problèmes neurologiques pour mieux comprendre sa maladie et personnaliser son traitement. Même si ces organoïdes ne sont pas de vrais cerveaux humains – ils ne contiennent pas la totalité des types cellulaires –, cela pose des problèmes éthiques majeurs qui passionnent les transhumanistes.
Pour le moment, les scientifiques de San Diego pensent que les minicerveaux ne sont pas conscients. Serait-on en mesure de savoir si un cerveau en éprouvette se mettait à « penser » ? Certains craignent le scénario dit du « brain in a vat » (« cerveau dans une cuve »), où un organoïde cérébral pourrait s’imaginer vivant et souffrir. Sera-t-il interdit dans le futur de détruire ces minicerveaux s’ils acquièrent une conscience ? La neurorévolution qui commence, grâce aux progrès des neurotechnologies, fait naître de vraies interrogations. Les technologies du cerveau pourraient devenir une arme au service d’une ambition totalitaire. Si des outils de connaissance intime du cerveau existent, ils seront l’arme de pouvoir ultime des dictateurs. La protection de l’intégrité de notre cerveau va devenir essentielle ; bien plus que ne peut l’être aujourd’hui celle de la protection de la vie privée à l’ère du suivi des faits et gestes de chacun d’entre nous grâce à nos traces numériques. A qui pourra-t-on faire confiance pour bâtir la neuroéthique ? Autorisera-t-on, par exemple, la justice à lire dans nos cerveaux ? A mesure que les technologies du cerveau deviennent plus performantes, de vertigineuses questions éthiques vont apparaître.
A qui pourrat-on faire confiance pour bâtir la neuroéthique ?