QUAND L’AUTOMOBILE ALLEMANDE SE GRIPPE
Le coeur n’y est pas. Au Salon automobile de Francfort, qui fermera ses portes le 22 septembre, malgré les présentations avec force paillettes et flonflons de nouveaux modèles, les constructeurs allemands cachent mal leurs inquiétudes. Depuis le début de 2018, fabricants et équipementiers d’outre-Rhin multiplient les alertes sur résultats. Sur les huit premiers mois de l’année, la production des marques allemandes a reculé de 11 %, pour revenir à son point bas de 2009, au plus fort de la crise.
« L’Allemagne, pays le plus exportateur d’Europe, souffre plus que les autres de la morosité ambiante », souligne Sébastien Jean, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Et le difficile passage des marques germaniques aux nouvelles règles d’homologation (faisant suite au « Dieselgate »), à l’automne 2018, n’a rien arrangé à l’affaire. Même la manne des flottes auto semble s’essouffler. « Plus de 50 % des berlines allemandes sont achetées directement par les entreprises pour leurs cadres, mais les nouvelles fiscalités les incitent à opter pour des petites motorisations, voire des hybrides ou des électriques », souligne Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Partners. Enfin, et surtout, si Volkswagen, Mercedes, BMW et consorts voient leurs ventes s’effriter, c’est que la Chine, premier marché automobile mondial, affiche un net recul (-14 % sur le premier semestre), après des années de croissance affolante. Les marques germaniques expédient en effet 35 % de leur production vers la République populaire. « Jusqu’ici, la demande était concentrée sur la côte, avec des clients aisés, friands de berlines de milieu ou haut de gamme. On a atteint un palier, c’est désormais l’intérieur du pays qui s’équipe, mais avec un pouvoir d’achat beaucoup plus faible qui le fait se tourner davantage vers les marques chinoises », analyse JeanFrançois Belorgey, associé chargé du secteur mobilité chez EY. Une pluie de mauvaises nouvelles qui impacte toute l’économie allemande : les constructeurs automobiles font travailler en direct plus de 860 000 personnes outre-Rhin (contre 210 000 en France), soit près de 12 % des effectifs de toute l’industrie manufacturière du pays. Un gisement déjà sous pression. La marque Volkswagen a annoncé vouloir supprimer de 5 000 à 7 000 postes d’ici à 2023, et nombre d’équipementiers, à l’instar du géant Continental, recourent déjà au chômage partiel. « Pour poursuivre leurs investissements dans l’électrification et l’automatisation, ils doivent réduire leurs coûts fixes », analyse Jean-Pierre Corniou. De lourds investissements, qui pourraient leur permettre de retrouver le chemin de la croissance. En attendant, les constructeurs allemands ont le nez collé au calendrier : le 16 novembre, le président américain doit annoncer s’il passe, ou non, de 2,5 % à 25 % les taxes sur les véhicules importés d’Europe.