LES AGRICULTEURS AMÉRICAINS DANS LA PANADE
« Quand on perd son premier client, forcément, ça fait très mal » : Josh Gackle, un fermier américain qui cultive un millier d’hectares de soja dans le Dakota du Nord, en a ras la casquette de la guerre commerciale de Donald Trump. Et pour cause ! Alors que la Chine lui achetait chaque année 70 % de sa récolte, son soja lui reste sur les bras depuis que Pékin a répliqué aux surtaxes américaines par des droits de douane supplémentaires sur les produits agricoles made in USA. Il n’y a pas que le soja de Josh qui ne sait plus vers quel acheteur se tourner : maïs, coton, tabac, boeuf, porc… Les Etats-Unis sont le premier exportateur mondial de produits agricoles, et la Chine était leur meilleur client avant que Donald Trump déclenche les hostilités. « En 2017, 18 % des exportations agricoles américaines étaient destinées à la Chine. En 2018, cette proportion est tombée à 7,4 % », explique Cecilia Bellora, économiste au CEPII. Pékin privilégie désormais d’autres fournisseurs, comme le Brésil ou l’Union européenne. Alors qu’une majorité d’entre eux avaient voté avec enthousiasme pour le président républicain, les agriculteurs sont en train de traverser une des périodes les plus difficiles de leur histoire. Attention : la guerre commerciale n’est pas seule en cause, elle s’ajoute à une crise qui dure depuis plusieurs années, notamment due à la concurrence croissante de nouveaux pays producteurs en Amérique latine ou en Europe de l’Est. Du coup, d’après les calculs de l’American Farm Bureau Federation, l’association qui les représente, leurs revenus en 2019 se rapprocheront dangereusement de ceux des pires années du siècle passé. Ce n’est pas encore la profonde misère illustrée par les photographies de Walker Evans du temps de la Grande Dépression mais la dette des agriculteurs atteint des sommets historiques et faillites et suicides sont en augmentation. Pour limiter la casse, Donald Trump a dû sortir son carnet de chèques à deux reprises, pour un montant total de 28 milliards de dollars. Il les adore, ces « formidables fermiers patriotes », jure-t-il au fil de ses tweets. En revanche, eux l’aiment de moins en moins et mobilisent tous leurs lobbies pour qu’un accord commercial avec la Chine soit trouvé au plus vite.