LES ARGENTINS EN QUASI-FAILLITE
Ce n’est pas encore la longue file d’attente aux guichets des banques, comme ce fut le cas en 2001, quand le gouvernement avait gelé les avoirs bancaires des Argentins, mais ça pourrait y ressembler. La crise en Argentine, c’est comme une histoire sans fin : huit défauts de paiement en l’espace de trente ans. D’après les dernières projections de la Banque centrale, la richesse du pays pourrait reculer de 2,5 % cette année. Un résultat un brin irréel, mais qui a une traduction bien concrète pour la population : la canasta basica, le panier de la ménagère, a renchéri de 57 % en l’espace d’un an. Alors que la production manufacturière s’est effondrée de près de 10 % depuis le début de 2018, des milliers de PME ont mis la clef sous la porte. Le taux de chômage a grimpé de 7,5 %, à un peu plus de 10 %, en dix-huit mois tandis qu’un tiers des emplois ne sont pas déclarés. Comme aux heures sombres de la grande crise de 2001, la famine rôde. La pauvreté toucherait près d’un tiers des familles. Et 5 millions d’enfants et d’adolescents seraient en « situation alimentaire critique », d’après l’ancien ministre de la Santé Daniel Gollan.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Par une succession d’erreurs de politique économique. Tout commence en 2015 quand, dans la foulée des élections, le président Mauricio Macri propose de supprimer le contrôle des changes. « En laissant le peso argentin se déprécier pour relancer la compétitivité, il pensait doper l’économie du pays. C’est tout l’inverse qui s’est produit, avec une flambée de l’inflation », résume Eric Dor, directeur des études économiques à l’Iéseg School of Management. Qu’importe, pour financer son déficit, l’Argentine se tourne, avec la bénédiction du FMI, vers les marchés internationaux. La dette publique extérieure augmente de 17 milliards de dollars en 2016 et de 34 milliards de dollars en 2017, d’après les calculs d’Eric Dor. Sauf que le climat s’en mêle. La sécheresse de 2018 plombe les exportations agricoles, la première ressource du pays. Mais le FMI suit encore. En 2018, il accorde au pays l’un des plus gros prêts de son histoire, 57 milliards de dollars, en échange d’une batterie de réformes qui déprime encore davantage l’économie. Alors qu’une première tranche de remboursements est prévue pour 2021, l’Argentine vient de demander un rééchelonnement de sa dette. « Nous sommes clairement dans un scénario à la grecque mais sans le soutien possible de la zone euro. Le pays fait face au spectre d’un nouveau défaut de paiement », explique Eric Dor. Une crise qui est en train de rebattre les cartes politiques. C’est désormais le péroniste Alberto Fernandez (centre gauche), opposant notoire au programme du FMI, qui fait figure de favori pour la prochaine présidentielle du 27 octobre face à Mauricio Macri.