RÉGNAIT UNE CONFUSION INADMISSIBLE ENTRE EXCLUSION DISCIPLINAIRE ET EXCLUSION RACISTE Elisabeth de Fontenay
« J’éprouve aujourd’hui quelques réticences à la relecture de ce texte. Mais le constat de la métamorphose du paysage national due, entre autres, à l’intervention de l’islam dans le champ politique et au rejet que suscitent les actuelles interventions décolonialistes me contraint à maintenir mon engagement dans cette laïcité de combat, même si je la juge souvent dénégatrice de la complexité politique et sociale à laquelle nous nous trouvons confrontés. “Ce ne sont pas les restes de la philosophie des Lumières qu’il s’agit de préserver, écrivait Foucault, c’est la question même de cet événement et de son sens, c’est la question de l’historicité de la pensée de l’universel qu’il faut maintenir présente et garder à l’esprit comme ce qui doit être pensé.” Il me semble que cette historicité de la pensée de l’universel, ce souci d’une tâche inachevée ne doit pas cesser de nous tourmenter, alors même que nous veillons fermement à ce que la tradition de l’école républicaine continue à s’inscrire dans notre code. « La réflexion de ce philosophe – et, avec elle, celle de Merleau-Ponty – me semble contribuer à nourrir une inquiétude légitime quant aux évidences qui fondent la défense de la laïcité sur l’attachement à une continuité française, s’originant de 1789 : n’est-il pas trop métaphysique de considérer ce moment de notre histoire comme un fondement? Néanmoins, l’exigence française de l’école républicaine, laïque et obligatoire est partie prenante de celle, devenue internationale, des droits humains auxquels certains tentent de l’opposer. Mais si nous renoncions à ce modèle, si nous acceptions sans réagir d’intégrer des cultures qui récusent tout projet d’émancipation, nous répudierons ce qui nous a construits : le partage du savoir et l’égalité des hommes et des femmes. Avec l’affaire de Creil a bruyamment commencé une nouvelle lecture de la laïcité qui n’applique pas aux seuls enseignants le principe de neutralité de l’Etat mais l’étend à l’affichage d’une religion à l’école, perçu comme un facteur de séparation entre les élèves. Mais, alors, comment empêcher le combat laïque de tourner à l’exclusion de ceux de nos compatriotes musulmans qui refusent de le comprendre ? Je reste, malgré ces réserves, fière d’avoir signé un texte qui dénonçait une confusion inadmissible entre exclusion disciplinaire et exclusion raciste et rappelait à bon droit un principe qui structure notre existence nationale. »