Comment acheter pour louer sans se tromper
L’immobilier locatif n’est pas un investissement aussi sûr qu’on peut le croire. Quelles garanties rechercher ? Explications, chiffres et anecdotes.
Avec la baisse des taux et les incertitudes de la Bourse, l’immobilier apparaît toujours comme une valeur sûre. Voire de plus en plus sûre. « La baisse de rendement des placements sans risque a plus de conséquences sur l’appétit d’investissement locatif que la baisse des taux des prêts immobilier », résume Aurélien Breton, président de Stonedge, société de conseil immobilier spécialiste du Grand Paris. La baisse du taux des prêts a, selon lui, un impact plus psychologique que réel. Un prêt sur vingt ans à 1 % en 2019 augmente le capital empruntable de seulement 5 % pour une même mensualité par rapport au taux de 1,5 % proposé il y a deux ans pour des prêts identiques. En revanche, la chute de rendement de l’assurance-vie en euros pousse de nombreux épargnants aisés à réorienter une plus grande part de leur patrimoine vers la pierre.
ÉVALUER LA RENTABILITÉ
Si beaucoup restent attirés par Paris intra-muros, les prix y ont trop monté pour que la rentabilité soit satisfaisante. « Même les marchés de report évoluent très vite avec les projets du Grand Paris, poursuit Aurélien Breton. Après Neuilly, Boulogne et Levallois, les investisseurs se tournaient, il y a cinq ans, vers Clichy, Asnières ou Bois-Colombes, mais les prix y ont connu un rattrapage rapide. Pour espérer une rentabilité convenable, il faut aujourd’hui chercher plus loin vers Colombes, Argenteuil ou Bezons, dans des zones bien connectées sur les futures lignes du Grand Paris Express, avec une forte densité urbaine et une certaine pression locative. » L’emplacement et la liquidité demeurent des gages de réussite.
Si l’immobilier est souvent présenté comme un placement peu risqué, attention à ne pas confondre conjoncture favorable avec promesse d’un avenir radieux. Car la rentabilité d’un investissement locatif n’est jamais vraiment garantie. Quand des publicités vantent la sécurité de la pierre, ou qu’un agent hâbleur la promet, mieux vaut réfléchir à deux fois avant de plonger. Pour comprendre, disséquons point par point ce qui constitue la rentabilité d’un investissement immobilier.
Une bonne évaluation passe par la connaissance du coût d’achat du bien (tous frais compris), des revenus qu’on peut en tirer (nets de tous frais et de fiscalité) et, enfin, de sa valeur de revente (nette de fiscalité) permettant de clore l’équation. Tant que l’on n’a pas de certitude sur chacun de ces trois éléments, tout espoir de bénéficier d’une rentabilité garantie est illusoire.
Le premier défi est de dénicher un bien procurant des loyers à la rentabilité convenable, dans un emplacement permettant à la fois de bien louer et de bien revendre. Or quand les prix grimpent la rentabilité faiblit. « La construction de nouveaux logements est en baisse depuis plusieurs trimestres, observe ainsi Philippe Crevel, directeur du Cercle des épargnants. Cette raréfaction de l’offre concourt à la hausse des prix et limite les possibilités d’investissement. La rentabilité nette de l’immobilier tend à baisser, les loyers peinant à suivre les prix d’achat des logements. »
Des promoteurs d’immobilier défiscalisé font miroiter des investissements rentables dans des zones moins tendues. Mais gare aux difficultés pour revendre et trouver des locataires dans les zones où ils sont minoritaires. « Moins la tension immobilière est forte, plus nombreux sont les propriétaires, détaille Christophe Marques, directeur de la société de conseil CM Analytics. Le taux de propriétaires atteint 72 % en zone C, où il n’y a pas de tension. C’est 19 points de plus qu’en zone B (53 %) et 26 de plus qu’en zone A (46 %). » Le vivier de locataires ne représente donc que 28 % des habitants en zone C, contre 47 % en zone B et 54 % en zone A. La concurrence entre bailleurs ne voulant pas garder leurs logements vides peut être plus ou moins rude (voir la zone du logement concerné sur www.service-public. fr/simulateur/calcul/zonage-abc).
Garantir la rentabilité d’un bien immobilier supposerait que les loyers et les charges soient eux aussi garantis, ainsi que la revente, ce qui semble assez improbable. La rentabilité locative résulte en effet de deux paramètres : les recettes et les dépenses, c’est-à-dire, d’un côté, les loyers et, de l’autre, les coûts, qu’il s’agisse des frais d’obtention des loyers (charges, entretien, travaux, assurances, taxe foncière…) ou des impôts sur ces revenus fonciers (désormais prélevés à la source).
Certes, les garanties sur les recettes existent. Les propriétaires bailleurs peuvent souscrire des assurances contre les loyers impayés, ou même bénéficier de la garantie Visale, nouvelle assurance gratuite mise en place par l’Etat sous certaines conditions (voir sur Visale.fr). Ces garanties sur les loyers ont néanmoins leurs limites (par exemple
36 mois d’impayé au maximum). Quant aux charges et aux coûts d’entretien, ils ne sont jamais garantis. Les promesses de loyer assuré des promoteurs d’investissement locatif en résidences services sont elles aussi très fragiles. Plutôt que de gérer eux-mêmes leurs biens, les investisseurs dans ces résidences les louent à un exploitant proposant des services (résidence hôtelière, maison de retraite, etc.), moyennant un loyer annuel fixé pour neuf ans par bail commercial, avec un statut de location meublée non professionnelle. Malheureusement, il n’est pas rare que l’exploitant cesse de payer bien avant cette échéance, et qu’il impose aux investisseurs une baisse de 30 ou 40 % du loyer promis. « Les investisseurs ont alors peu de solutions, car ils sont rarement copropriétaires des parties communes et ne peuvent pas récupérer leur bien pour l’exploiter eux-mêmes », confie Me Corinne Demazure, spécialisée en droit immobilier à Paris.
EXPULSIONS DIFFICILES
Ensuite, la pierre n’est pas sans mauvaises surprises, selon la dernière étude du ministère de la Justice sur les litiges locatifs, publiée au printemps. On recense ainsi plus de 200 000 procès entre propriétaires et locataires chaque année. Sur les 219 000 contentieux dénombrés en 2017, près de 150 000 sont liés à des demandes d’expulsion de locataires pour impayés, et près de 29 000 concernent des requêtes en injonction de payer à l’encontre de locataires ayant quelques mois (ou années…) de loyer en retard. Les propriétaires réclamant légitimement l’expulsion d’occupants pour impayés obtiennent souvent gain de cause devant les tribunaux. Mais ce n’est qu’une étape, car ils ne récupèrent pas leur logement pour autant. « Ces décisions ne sont pas toujours suivies d’une expulsion, car le juge peut prononcer une suspension de l’effet de la clause résolutoire lors de l’audience, sous condition de payer le loyer en cours et de respecter l’échéancier fixé pour les loyers en retard, explique Marianne Juillard, en charge de cette étude. Le locataire peut aussi solliciter des délais après délivrance du commandement de quitter les lieux. »
Quand la pierre tourne mal, la seule garantie, c’est que les ennuis peuvent durer…
Plus de 200 000 procès entre propriétaires et locataires chaque année