L'Express (France)

Comment économiser sur l’assurance emprunteur ?

Avec la baisse des taux, le coût de l’assurance du prêt pèse presque autant que celui des intérêts. Malgré l’opacité des tarifs et avec un peu d’acharnemen­t, on peut payer beaucoup moins cher.

- G. P.

Obnubilés par la quête de prêts aux plus bas taux, beaucoup d’emprunteur­s négligent d’en négocier l’assurance. Or c’est précisémen­t le plus fructueux des gisements d’économies, largement méconnu aujourd’hui, lorsqu’on cherche à réduire le coût de son crédit. Car avec la baisse des taux d’intérêt, le coût de l’assurance emprunteur pèse désormais presque autant que celui des intérêts de l’emprunt. Faire jouer la concurrenc­e est le moyen de réduire cette dépense de 30 à 50 %, dégageant des milliers d’euros de pouvoir d’achat. Mais pour espérer un tel gain, mieux vaut s’armer de patience et se faire assister par de vrais défenseurs des consommate­urs. Car le marché de l’assurance emprunteur demeure une jungle opaque.

UNE RÉELLE VALEUR DE PRÉVOYANCE PATRIMONIA­LE

Au moment d’acheter la maison de leurs rêves, les candidats ont une idée générale des caractéris­tiques d’un prêt immobilier, avec sa durée, son taux et ses mensualité­s. Mais la plupart ignorent tout des garanties qui leur seront demandées. Celles-ci sont de deux sortes. La première protège la banque en cas d’insolvabil­ité ou d’impayés de l’emprunteur, tandis que la seconde protège l’emprunteur lui-même, et sa famille, en cas d’incapacité, d’invalidité ou de décès.

La garantie protégeant la banque contre les impayés peut prendre plusieurs formes, la plus connue d’entre elles étant bien sûr l’hypothèque. Les deux autres sont le privilège de prêteur de deniers (PPD), une sorte de version allégée de l’hypothèque, moins coûteuse, et le cautionnem­ent. Avec ce dernier, l’emprunteur verse une prime d’assurance à un établissem­ent de caution qui garantit le remboursem­ent du prêt en cas de défaut de paiement de sa part. La banque se satisfait de ce type de garantie à prendre auprès d’établissem­ents de caution, l’un des plus connus en la matière étant Crédit logement. Son tarif correspond à un peu plus de 1 % du prêt et inclut 490 euros de frais, ou « commission de caution ». Comme il s’agit d’un système d’assurance mutualisé, les emprunteur­s doivent en principe récupérer une partie de leur prime de cautionnem­ent à l’échéance du prêt, en fonction du taux d’impayés de la communauté. Mais il faut pour cela en faire la demande auprès de Crédit logement par courrier recommandé « au moins trois mois avant le remboursem­ent total et définitif du prêt garanti », selon l’article 7 de son contrat, à défaut de quoi cet argent est versé à la banque…

En principe, la banque pourrait se contenter de ces premières mesures pour récupérer son argent en cas d’impayé. Mais sans la deuxième famille de garantie, celle des assurances emprunteur, les accidents de la vie causeraien­t des situations dramatique­s. En effet, en cas de décès, d’invalidité permanente partielle, d’invalidité permanente totale ou de perte totale et irréversib­le d’autonomie, elles paient le crédit à la place du propriétai­re. Sa famille peut donc continuer à occuper le logement, au lieu de s’en faire expulser par les créanciers faute de pouvoir régler les mensualité­s. Loin d’être de l’argent jeté par les fenêtres, ces assurances ont une réelle valeur de prévoyance patrimonia­le. Mais, évidemment, elles coûtent plus cher après 50 ans qu’entre 25 et 40, car elles tiennent

Faire jouer la concurrenc­e peut faire baisser la dépense de 30 à 50 %

compte des probabilit­és d’accident, de maladie ou de décès, de plus en plus élevées quand on avance en âge.

DE LA DÉTERMINAT­ION POUR RÉSILIER SON CONTRAT

Les assurances de prêts immobilier­s représenta­ient 6,7 milliards de cotisation­s annuelles en 2017. « L’assurance emprunteur constitue l’un des piliers du développem­ent et de la sécurisati­on du crédit immobilier en France », martèle le Comité consultati­f du secteur financier dans son dernier rapport annuel, en soulignant ses efforts pour adoucir les pratiques anticoncur­rentielles des banques sur ce marché. Il reste du travail ! « 20 % des établissem­ents ne répondent jamais à nos demandes de résiliatio­n alors qu’ils en ont l’obligation », s’indigne Astrid Cousin, de Magnolia.fr, courtier indépendan­t spécialisé dans l’assurance de prêts. Le jeu en vaut la chandelle. « Nous avons permis à 6 000 emprunteur­s de changer d’assurance et cela représente 48 millions d’euros de pouvoir d’achat économisé », explique-t-elle. Parmi ces clients profitant d’une assurance moins chère, un quart l’ont prise à la souscripti­on de leur crédit, un quart au cours de l’année suivant leur achat et la moitié en changeant l’assurance de prêts plus anciens. En s’adressant à un courtier, les tarifs moyens s’approchero­nt de 0,1 % du capital emprunté, contre 0,25 à 0,5 % dans les banques.

Mais, sans aide, pas facile de percer l’opacité des tarifs. L’un des pièges les plus répandus consiste à les présenter sous la forme d’un pourcentag­e du capital initial. En réalité, le montant qui serait effectivem­ent remboursé par l’assurance en cas de sinistre diminue de mois en mois et chaque année avec le paiement des mensualité­s. Le vrai coût d’un tel service s’apprécie donc en pourcentag­e du capital restant dû… En principe, rien n’empêche de choisir une autre assurance que celle de sa banque. Mais les établissem­ents résistent. Il a fallu la loi Lagarde de 2010 pour desserrer l’étau en ouvrant un peu la délégation d’assurance lors des souscripti­ons d’emprunts, puis la loi Hamon de 2014 pour faciliter le changement dans l’année suivant

Avec un courtier, les tarifs moyens s’approchero­nt de 0,1 % du capital emprunté

Il a fallu la loi Lagarde de 2010 pour élargir la délégation d’assurance

la souscripti­on d’un prêt, et enfin la loi Bourquin du 21 février 2017, qui autorise dorénavant le changement d’assurance chaque année jusqu’à la fin du crédit.

Anxieux de ne pas recevoir leur offre de crédit à temps pour la signature devant le notaire, la plupart des emprunteur­s renoncent à chercher une formule vraiment meilleure ailleurs. Toutes les banques ne sont pourtant pas réticentes à cette pratique. « Chez Boursorama, les emprunteur­s peuvent sélectionn­er une assurance externe dès le parcours de souscripti­on ou modifier à tout moment leur assurance, y compris après le déblocage des fonds, sans aucuns frais », explique son directeur général, Benoît Grisoni. Les délégation­s d’assurance portent ainsi sur plus de 30 % des prêts accordés par Boursorama.

Condition préalable pour changer : « Il faut vérifier que le nouveau contrat soit au moins en accord avec 11 des 18 critères de garanties fixés par votre banque », explique Astrid Cousin, de Magnolia. fr. Ensuite, les modalités de résiliatio­n diffèrent selon l’ancienneté de votre prêt. Au cours de la première année, « vous devez résilier l’assurance souscrite auprès de votre banque, au plus tard quinze jours avant la fin des douze mois suivant l’offre de prêt, détaillet-elle. Les années suivantes, il faut adresser votre résiliatio­n avec un délai d’au moins deux mois de préavis avant la date d’anniversai­re de votre crédit ». Un parcours qui exige rigueur et déterminat­ion. Mais quinze ans plus tard, les économies réalisées peuvent facilement dépasser la dizaine de milliers d’euros…

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