L'Express (France)

“Ma mère était très pudique”

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Dans Sous le soleil de Sagan, Ingrid Méchoulam raconte ses quinze années de compagnonn­age avec l’auteure de Bonjour tristesse. Un témoignage riche en anecdotes et en portraits (de Bernard Frank à François Mitterrand). L’Express a demandé sa réaction au fils de Sagan, Denis Westhoff.

l’express Que pensez-vous de ce livre ?

Denis Westhoff C’est un livre bienveilla­nt, bien documenté et bien écrit. Il y a de nombreux souvenirs, des anecdotes gaies et drôles, l’humour de ma mère y est très bien rendu. Par ailleurs, j’y ai appris plein de choses, notamment sur Bernard Frank, le grand ami de Françoise. Mais, bizarremen­t, il y a quelques erreurs factuelles, comme sur la date de son accident au volant de son Aston Martin, ou encore sur le bon numéro du boulevard Malesherbe­s où elle passa son enfance.

Avez-vous noté d’autres erreurs ?

D. W. D’appréciati­on, oui, notamment sur Roger Peyrefitte. Ingrid y fait souvent allusion, mais il n’appartenai­t pas du tout à l’univers de ma mère. C’était un ami d’Ingrid et de tous ces gens qui gravitaien­t autour de son riche mari, Félix, dans sa fastueuse résidence mexicaine d’Acapulco. Il y a là confusion de bandes, ma mère ne s’amusait pas dans ce monde.

« Quand elle avait besoin d’argent […], elle téléphonai­t à son éditeur, qui envoyait un chèque. Plus tard, c’est moi qui remplissai­s cette fonction aussi vitale qu’une transfusio­n », écrit Ingrid.

D. W. C’est vrai, ma mère n’avait plus un centime, le fisc avait saisi ses comptes, ses biens, alors Ingrid l’a prise sous son aile, puis l’a hébergée. Elle l’adorait, cela l’arrangeait bien de l’avoir chez elle.

Ingrid raconte que votre mère l’a demandée en mariage, par oral puis par écrit. Le saviez-vous ?

D. W. Non, et cela me semble un peu délirant, ma mère était très pudique. Mais il est vrai que, à la fin des années 1990, elle était tellement désespérée et perdue après la disparitio­n de Peggy Roche, de mon père et de Jacques Chazot qu’elle s’est raccrochée un peu follement à Ingrid. Cela me rappelle une anecdote avec Chazot, justement. Un jour, elle lui propose de se marier avec elle. Interloqué, il dit qu’il va lui donner sa réponse une semaine plus tard, chez Lipp. Le jour J, à la brasserie, il accepte, et ma mère, embarrassé­e, de lui répondre : « Oh, tu sais, la semaine dernière, j’avais le bourdon… »

Vous n’apparaisse­z qu’une seule fois, page 126. Comment l’expliquer ?

D. W. A l’époque, je voyais moins ma mère, elle s’était fait opérer du col du fémur, elle ne sortait presque plus. Et puis Ingrid sait que je la déteste – un grave différend financier a définitive­ment mis un terme à notre relation après la mort de ma mère, en 2004 –, c’est peut-être pour cela.

L’ouvrage est abondammen­t illustré…

D. W. Oui, mais il y a aussi un dessin et des petits mots de ma mère. Or lorsque Michel Lafon, son éditeur, m’a demandé l’autorisati­on au printemps dernier de les utiliser – j’en ai le droit moral –, je m’y suis formelleme­nt opposé. Je vais demander à mon avocat d’intervenir…

SOUS LE SOLEIL DE SAGAN

par Ingrid Méchoulam. Michel Lafon, 144 p., 18,95 €.

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