Bouche décousue
Souvenez-vous, l’affaire avait fait grand bruit au début de l’année 2018. Un jeune hebdomadaire, Ebdo, avait révélé, vingt ans après les faits présumés, que la petite-fille de François Mitterrand aurait été agressée sexuellement par Nicolas Hulot. Scandale, dénégations outrées de ce dernier, alors ministre d’Emmanuel Macron, menaces de procès, etc. Dans son nouveau roman, Mazarine Pingeot revient sur cet épisode qui a touché sa nièce Pascale (fille de Gilbert Mitterrand). Même si elle s’en défend mollement dans une interview à Paris Match, la romancière reprend fidèlement la trame générale du drame présumé. Seules les professions des différents protagonistes et les lieux sont modifiés : « Hulot » est un prix Nobel de la paix, « François Mitterrand », un célèbre poète, et les faits ont lieu à Hyères et non en Corse. On reconnaît également bien Danielle Mitterrand sous le personnage de la grand-mère au « sourire pincé ». Et, comme dans la réalité, la « victime » est photographe. Seule différence, mais de taille : contrairement à ce qu’il s’est passé dans la réalité, l’héroïne n’attend pas que les faits soient prescrits pour porter plainte, rendant l’affaire encore plus explosive. Le titre choisi par Mazarine Pingeot pour son roman, Se taire, fait directement écho à Bouche cousue, le livre dans lequel elle avait conté ses souvenirs d’« enfant cachée » de la République. On y retrouve les mêmes ingrédients : le clan familial, le poids étouffant d’une ascendance prestigieuse, le rôle toxique des médias. Actualité oblige, le tout, un peu longuet, est cette fois-ci assaisonné à la sauce #MeToo et #balancetonporc, ce qui nous vaut quelques dissertations un peu pataudes sur le sujet : « L’interdit avait fait place à un nouvel espace, celui où, au contraire, la pulsion avait droit de cité, où les extrêmes pouvaient cordialement se répondre, etc. » Morale de tout cela ? Prescription oblige, l’« affaire Hulot » n’aura jamais connu sa vérité judiciaire. Elle a désormais une vérité romanesque.