L'Express (France)

Bestial huis clos

- TERRE FERME M. P. UNE BÊTE AU PARADIS par Cécile Coulon. L’Iconoclast­e, 352 p., 18 €. 17/20

Ne jamais se fier aux apparences. Avec ses airs d’enfant de choeur, la précoce Cécile Coulon (elle a publié son premier livre à 16 ans, en 2007) pourrait passer pour l’une de ces auteures à la bluette facile. Certes, avec ce huitième

roman, elle nous emmène au Paradis, mais il s’agit là de l’un de ces paradis qui ressemblen­t plus au purgatoire qu’à une sinécure. Depuis Le roi n’a pas sommeil (2012), plongée dans le milieu forestier de l’Amérique des années 1930, et Le Coeur du pélican (2015), récit d’une dérive, la blonde

romancière de Clermont-Ferrand s’est fait pour spécialité les héros de tragédie. Ils sont ici plusieurs, réunis dans la ferme du Paradis avec sa fosse à cochons, ses vaches, ses poules et ses champs. Auprès d’Emilienne, la grandmère courage et dure à la peine, ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel, et Louis, le commis, jeune garçon martyr recueilli par la maîtresse femme. Les parents, eux, sont morts dans un accident de voiture, un soir de tempête. Très jeune, Blanche, « une guerrière de 5 ans », s’est fait un devoir de seconder sa grand-mère pour maintenir le domaine à flot, tandis que Gabriel se perd dans la solitude et « un calme d’enterremen­t »… Aussi, lorsque Alexandre, son amoureux, qui la déflora à l’étage pendant qu’on saignait le cochon, décide de partir étudier à Lyon après le bac, Blanche, charnellem­ent attachée à la vorace terre du Paradis, devient une « ombre besogneuse de rage et d’abandon. Dès lors, le huis clos s’épaissit autour de tous ces éclopés de la vie aux coeurs brisés et aux mains calleuses. Passent les années, Alexandre resurgit, toujours aussi beau. Mais le roman ne prend pas pour autant des airs de conte de fées. Bien au contraire. Sous la plume experte, sans pathos et comme trempée dans la glaise de Cécile Coulon, la violence s’installe, irrémédiab­lement, avec une vengeance aux petits oignons pour clap de fin. Les éditeurs de livres de poche se sont battus pour en acquérir les droits. A raison.

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