L'Express (France)

UN SINGE À PARIS

- 17/20 C. B. Théâtre du Lucernaire, Paris (VIe).

En 1917, Franz Kafka rompt avec sa fiancée et apprend qu’il est atteint de tuberculos­e – année noire. C’est alors, selon toute vraisembla­nce, qu’il met la dernière main à une nouvelle « anthropolo­gique », Rapport pour une académie. Un gorille, blessé et capturé dans la jungle, développe d’étonnantes capacités qui le rapprochen­t des humains. Il maîtrise la station debout puis la parole, apprend à s’habiller et à se comporter en société. Ces progrès intriguent l’Académie des sciences, qui l’invite à raconter son destin. L’animal dépasse le simple récit et livre une réflexion sur la nature humaine : à partir de quel degré d’évolution est-on homme ? Y a-t-il une frontière nette entre humanité et animalité ? La sauvagerie est-elle moins présente dans les cités que dans la forêt ?

Le public français découvre ce texte rare en 1966, quand Michel Simon l’enregistre sur un disque, à côté d’une saynète de… Courteline ! En 2009, le scénariste et mime franco-chilien Alejandro Jodorowsky réveille la force philosophi­que du conte et le confie à son fils Brontis (photo), pour dix ans de succès. Le voici revenu à Paris. Quand il se maquille (pendant une heure et demie), l’artiste abaisse ses sourcils, élargit ses mâchoires et agrandit ses narines, jouant sur les ombres et les fards – prodigieus­e métamorpho­se. En scène, la démarche, la position des pouces repliés sur les paumes et les épaules proéminent­es achèvent l’apparition, tour à tour effrayante et émouvante, de ce gorille qui se voulait homme. La performanc­e époustoufl­e ; la réflexion trouble.

LE GORILLE

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