Alzheimer : nettoyer le cerveau des malades
Des ultrasons pourraient éliminer les protéines accusées de causer la pathologie. Un essai clinique est en cours.
Pourrait-on « nettoyer » le cerveau des malades d’Alzheimer des plaques séniles accusées de provoquer leurs troubles de la mémoire ? C’est le pari de chercheurs de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), à Paris. Jusqu’ici, la quasi-totalité des médicaments testés contre cette pathologie se sont montrés inefficaces. Les molécules passent en effet mal la barrière hémato-encéphalique, qui protège les neurones des toxiques se trouvant dans le sang. « Nous avons donc adopté une autre approche : ouvrir temporairement cette barrière, pour faciliter l’évacuation des plaques », résume le neurologue Stéphane Epelbaum. Une idée disruptive due, comme souvent, au hasard des rencontres. Spécialiste des maladies neurodégénératives, le Dr Epelbaum savait que des chercheurs américains avaient montré un tel effet sur des animaux. Or un de ses collègues de la PitiéSalpêtrière, le Pr Alexandre Carpentier, chef du service de neurochirurgie et fondateur de la start-up CarThera, avait mis au point voilà quelques années un dispositif implantable permettant d’ouvrir la barrière hémato-encéphalique grâce à des ultrasons. Il s’agissait initialement de faire parvenir des médicaments de chimiothérapie en plus grande quantité dans les tumeurs cérébrales. De leurs discussions est née l’envie de tester également cette inventioncontrela maladied’Alzheimer.
Dix patients ont été sélectionnés pour un essai clinique. Ce mardi matin de novembre, Hélène, 73 ans, vient pour sa première séance de traitement. A la mi-octobre, un petit boîtier de 1 centimètre de diamètre, destiné à transformer du courant électrique en ultrasons, a été implanté dans l’os de sa voûte crânienne. A présent, le Dr Epelbaum pique une aiguille reliée à un générateur à travers le cuir chevelu de sa patiente. Dans le même temps, un gaz inerte formant des bulles dans le sang lui est injecté en intraveineuse.
PREMIERS TESTS
Quand les bulles parviennent au cerveau, du courant est envoyé durant quatre minutes dans le dispositif pour produire les ultrasons. Ceux-ci agitent les bulles de gaz et c’est ce mouvement qui va disjoindre les cellules formant la barrière à l’intérieur des vaisseaux sanguins du cerveau. « Je voulais tout tenter pour essayer de ralentir la maladie », assure Hélène, prête à revenir pour six séances, programmées sur deux mois.
Les imageries cérébrales des deux premiers patients traités l’an dernier semblent montrer une baisse encourageante des plaques séniles. « Notre hypothèse est que l’ouverture de la barrière provoque une réactivation du système immunitaire du cerveau, qui recommencera à éliminer les protéines toxiques », indique le Dr Epelbaum. Prometteur, car cette technique agirait sur les protéines bêta-amyloïdes formant les plaques autour des neurones, mais aussi sur les protéines tau, qui s’accumulent dans les cellules nerveuses. « Très peu d’essais cliniques ont pu montrer un effet sur tau jusqu’ici », souligne le médecin. Il est encore trop tôt, en revanche, pour dire si cette approche innovante diminuera les symptômes de la maladie euxmêmes. Pour cela, il faudra des tests sur un plus grand nombre de patients, et sur une plus longue durée. Mais les deux médecins envisagent déjà l’étape suivante : combiner leur protocole avec un traitement médicamenteux, pour en accroître encore l’efficacité.