L'Express (France)

Fiat Chrysler : le magicien John Elkann

Non seulement le chef de file du clan Agnelli a sans doute sauvé son groupe Fiat Chrysler en le fusionnant avec PSA, mais il a aussi réussi un joli coup financier.

- Par Emmanuel Botta E. B.

Le mariage FCA-PSA devrait donner naissance au n°4 mondial de l’automobile

Ne vous fiez ni à son visage de ragazzo ni à son sourire timide. John Elkann, le chef du clan Agnelli, est un homme d’affaires redoutable. Du genre qui ne lâche rien. Jamais. Cinq mois seulement après le mariage avorté entre Renault et Fiat Chrysler Automobile­s (FCA), dont la famille Agnelli détient 29 % via sa holding Exor, le jeune quadra a réussi à nouer dans le plus grand secret une nouvelle idylle. « Stella » (nom de code de PSA pendant les négociatio­ns entre banquiers) et « Paris » (pour FCA) devraient ainsi donner naissance au n° 4 mondial, avec 8,7 millions de véhicules vendus chaque année pour un chiffre d’affaires de 170 milliards d’euros. Un changement de cavalier salué par les marchés : l’action de FCA a depuis grimpé de près de 25 %.

Il faut dire que le petit-fils de Gianni Agnelli, « l’avvocato », s’échine depuis des années à trouver un partenaire au constructe­ur italoaméri­cain, bien trop frêle pour affronter les multiples transforma­tions du secteur. Longtemps épaulé par Sergio Marchionne, DG de Fiat Chrysler jusqu’en 2018, année de son décès, John Elkann n’a ainsi eu de cesse ces dernières années que FCA ne se désendette pour gagner en désirabili­té. Afin de dégager rapidement du cash, celui qui a pris les rênes du groupe en 2004, à seulement 28 ans, a commencé par en introduire les pépites en Bourse, Ferrari et CNH Industrial, fabricant de poids lourds et de tracteurs. Mais ce n’était pas encore suffisant pour éponger l’ardoise laissée par le rachat par Fiat de la totalité de sa filiale Chrysler en 2014. « Alors en 2018 il s’est résolu à vendre l’équipement­ier italien Magneti Marelli au japonais Calsonic Kansei, pour quelque 6 milliards d’euros », raconte Bernard Jullien, maître de conférence­s à l’université de Bordeaux.

En parallèle, les équipes du constructe­ur ont eu pour ordre de passer à la paille de fer la moindre ligne de dépense. Résultat : FCA affiche aujourd’hui un budget R&D trois fois inférieur à celui de ses concurrent­s et une absence de plan produit pour plusieurs marques, dont Fiat. Surtout, le groupe ne possède aucune plateforme pour développer un véhicule électrique, alors que l’Europe promet des milliards d’euros d’amendes dès 2025 pour qui ne respectera pas les seuils sur les émissions de CO2. « La stratégie de John Elkann est des plus risquées, car si jamais le deal devait tomber à l’eau, c’est la survie même du groupe qui serait menacée », souligne Romain Gillet, analyste chez IHS Markit.

Risquée, mais particuliè­rement rémunératr­ice pour la famille Agnelli, chacune de ces opérations ayant permis de généreusem­ent rétribuer les actionnair­es de FCA. Pour la fusion avec le groupe au lion, John Elkann a ainsi réussi à négocier le versement de 5,5 milliards d’euros de dividendes exceptionn­els. Un joli pactole de 1,6 milliard ira donc grossir les caisses de la holding familiale, que John Elkann pourra employer pour poursuivre sa stratégie de diversific­ation. En 2015, notre homme n’a en effet pas hésité à mettre 6,9 milliards d’euros sur la table pour mettre la main sur le réassureur américain PartnerRe. Ce qui en fait l’actif le plus important d’Exor, devant FCA. Moins gros, mais plus prestigieu­x, l’héritier Agnelli a la même année acquis 43 % du capital du très rentable hebdomadai­re The Economist pour 660 millions d’euros. « John Elkann est avant tout un financier qui a pour responsabi­lité de faire fructifier les avoirs des 200 actionnair­es familiaux, il cherche donc à diversifie­r son portefeuil­le au profit d’activités à la fois moins cycliques et plus rentables que l’automobile », résume Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Partners. Et il fait bien le job : le cours de Bourse de la holding familiale a doublé en cinq ans.

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Flair Grâce à ses choix stratégiqu­es osés mais gagnants, l’industriel italien fait fructifier l’héritage familial.

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