L'Express (France)

Le style de… Jean-Luc Lemoine

- Par Christophe Carrière

On le connaissai­t humoriste et animateur. Le voilà désormais également écrivain. Ou plutôt lexicograp­he pour rire, puisqu’il est l’auteur du Petit Lemoine, « dictionnai­re (im)pertinent et (auto)dérisoire sur la vie et ses à-côtés ». Tout un programme. Tout un style.

l’express Quel est le style de votre dictionnai­re, Le Petit Lemoine ?

Le style bordélique. C’est un prétexte pour me permettre de digresser à l’envi : une anecdote, une pensée, un dialogue… Je prends des notes en permanence. Et, souvent, je m’aperçois qu’il y a des choses qui ne se greffent pas aux textes de mes spectacles.

Elles rejoignent alors un stock que j’ai exploité pour ce dictionnai­re.

Qui est également un travail d’inventaire. Je me suis plongé dans plein de bêtises que j’écris depuis plus de vingt ans, que ce soit pour On va s’gêner ou

Rire et chansons à la radio, On a tout essayé ou Touche pas à mon poste ! à la télé.

A quel style appartient votre humour ?

J’ai eu plusieurs phases. D’abord parodique, étant fan des Nuls et du ZAZ [Zucker-Abrahams-Zucker, réalisateu­rs (entre autres) de Y a-t-il un pilote dans l’avion ?]. Ensuite cynique, fasciné par l’écriture et l’humour noir de Pierre Desproges. Et puis l’autodérisi­on, la base de tout humoriste qui doit pouvoir se moquer de lui-même avant de se moquer de tout. Une mentalité plutôt britanniqu­e, belge également, mais pas très française.

Votre nouveau spectacle s’intitule Brut. Faut-il s’attendre à un style plus méchant ?

Il est beaucoup plus libre, surtout. Par exemple, j’ai supprimé tous les préliminai­res, les bonjours, les présentati­ons, etc. La toute première phrase du spectacle, c’est : « Qui est pour la peine de mort ? » Comme entrée en matière, on ne peut pas mettre plus à l’aise. Mais après, ça va tout de suite mieux puisque je parle d’avortement…

Quel style de papa êtes-vous ?

Je ne leur tape pas dessus comme sur un réveil [dans son livre, il raconte à Enfant : « Je voudrais des enfants avec la fonction “snooze”. Tu leur tapes sur la tête, ils se rendorment pour un quart d’heure. »] Mais je ne crois pas à l’image idyllique des parents. Etre parent, c’est une épreuve. Magnifique, mais une épreuve quand même. J’ai été papa assez tard, à 37 ans. J’avais l’impression d’être prêt psychologi­quement, et puis finalement, j’essaie juste de gérer au mieux. Je suis très protecteur, très papa gâteau, et en même temps, je peux pousser une gueulante quand c’est mérité.

Vous êtes inscrit sur Facebook, Instagram et Twitter. Vous êtes donc du style très actif sur les réseaux sociaux…

J’en suis pas mal revenu quand même. J’ai trouvé l’avènement de Twitter absolument génial. C’était un grand espace de liberté avec cette impression de s’exprimer en toute quiétude avec des gens bienveilla­nts. Et puis c’est devenu tellement libre que cela a débouché sur du négatif. Pour être honnête, j’adore répondre aux haters et je pourrais passer ma journée à les tacler avec des vannes. Le problème, c’est que les gens qui vous aiment bien le prennent mal et vous reprochent de répondre aux messages négatifs, mais pas aux positifs.

Qu’est-ce qui vous rend hostile ?

La malveillan­ce, le manque d’enthousias­me, le plaisir que prennent les gens à participer à un lynchage. Avec les réseaux sociaux, les gens ont eu le pouvoir de s’indigner et c’était formidable. Le souci est qu’on a atteint un stade pervers où les gens s’insurgent pour prendre une posture. Cette tendance provoque chez moi pire que de la colère : de l’inquiétude.

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