LE RÈGNE DE L’ARBITRAIRE
En la matière, Donald Trump parle beaucoup mais obtient peu. Retour sur trois ans d’une étrange politique étrangère.
Il y a eu beaucoup de promesses. Sur le Moyen-Orient : « Un accord ultime de paix ». Sur la Corée du Nord : « Un grand jour pour le monde [...]. Le danger a disparu; » Sur l’Iran : « Un meilleur accord [grâce à une] pression maximale. » Sur l’Afghanistan : « Une réduction de la violence » en échange d’une négociation avec les talibans. Sur le Brexit : « Un fantastique et grand accord commercial avec le Royaume-Uni ». Que de règlements définitifs… dont pas un seul n’a vu le jour ni abouti.
Ne vous fiez pas aux apparences, le 45e président des Etats-Unis a une réponse toute faite : « Les médias malhonnêtes aiment faire croire que la confusion règne à la MaisonBlanche, mais ce n’est pas le cas. » Il n’empêche, on a clairement l’impression qu’une guerre intestine a opposé jusqu’ici les pro-Trump et les antiTrump au sommet de l’Etat, comme l’a confirmé l’ancienne ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley. La valse vertigineuse des conseillers pour la sécurité nationale (Michael Flynn, H. R McMaster, John Bolton, remplacé par Robert O’Brien), la mise à la porte d’un chef de cabinet estimé, le général à la retraite John Kelly, et le changement subit de secrétaire d’Etat (Rex Tillerson, qui ne s’est pas privé de « déballer » une fois limogé et auquel a succédé le docile Mike Pompeo) ont achevé de convaincre que Trump n’était pas taillé pour la fonction. Mais à travers cette série de couacs, l’imprévisible milliardaire a tenu avant tout à réaffirmer son autorité personnelle sur la politique étrangère, sur l’action militaire, sur la sphère secrète de la sécurité et du renseignement. Au fil de ces remplacements, Trump a renforcé son pouvoir individuel sur le cours du monde, il a installé une forme de diplomatie parallèle, qui a culminé dans l’affaire ukrainienne. La révélation d’une incroyable conversation téléphonique avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, démontre que le président américain a conditionné le déblocage d’un crédit accordé par le Congrès à l’Ukraine à la divulgation de révélations compromettantes sur son rival démocrate Joe Biden. Fait assez unique dans l’Histoire, le président des Etats-Unis fait l’objet d’une procédure d’impeachment au titre de la politique étrangère et de l’usage fait de ses prérogatives internationales (ce qui n’était pas le cas de Richard Nixon ni celui de Bill Clinton).
L’inflation verbale de Donald Trump est inversement proportionnelle aux résultats qu’enregistre sa politique. Mais l’analyse de son bilan ne consiste pas à suivre le fil ininterrompu de ses déclarations fracassantes et contradictoires. Son cap, fixé dès le départ, demeure le même : « Mettre fin aux guerres sans fin », slogan maintes fois répété durant son
mandat. De ce point de vue, Trump s’inscrit dans un sillon profond nourri par trois facteurs. Le sentiment dominant des élites américaines évolue au détriment du concept de « gendarme du monde », dont les résultats hasardeux n’ont fait qu’accroître l’antiaméricanisme dans le monde. L’inclination populaire s’effectue en faveur d’un retrait global des théâtres d’opérations extérieures, trop coûteuses en vies humaines. Et, n’en déplaise à l’actuel président, par l’action entreprise par son prédécesseur, Barack Obama, la voie est grande ouverte à la redéfinition des missions : moins d’investissement diplomatique au MoyenOrient, moins de fraternisation avec l’Europe, plus d’attention – et de tension – à l’égard de l’Asie.
On ne peut donc pas résumer la politique extérieure de Donald Trump au style totalement désinvolte de l’une de ses dernières saillies, censée expliquer le lâchage des Kurdes de Syrie : « Ils ne nous ont pas beaucoup aidés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ne nous ont pas aidés en Normandie »… Mais son empreinte personnelle vient justifier une question lancinante : peut-on encore faire confiance aux Etats-Unis ?