Trump et ses conseillers spécieux
Paul Manafort hier, Rudy Giuliani aujourd’hui… Ces proches du président américain n’ont cessé de chercher à discréditer le pouvoir ukrainien. Ce qui ne les a pas empêchés de faire des affaires dans le pays.
Son nom est revenu au premier plan ce 2 novembre, lorsque BuzzFeed et CNN ont publié des documents liés à l’enquête du procureur Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016. Selon ces informations, Paul Manafort, le sulfureux directeur de campagne de Donald Trump, a essayé de persuader l’entourage du candidat républicain que c’était l’Ukraine, et non la Russie, qui était à l’origine du piratage du Parti démocrate. Pourquoi un tel mensonge ? Cherchait-il alors à masquer la responsabilité de ses « amis russes » ? De fait, Manafort connaît bien l’Ukraine : il a toujours été proche du camp prorusse. L’ex-président Viktor Yanoukovitch l’avait recruté en 2004 pour préparer les élections législatives (2006), puis présidentielle (2010). Bon casting. Manafort, qui avait déjà accroché Mobutu et Ferdinand Marcos à son tableau de chasse, avait permis à
Yanoukovitch de l’emporter – avant d’être chassé du pouvoir, en 2014, par la révolution de Maïdan. Finalement, la diversion de Manafort échouera. Le 13 juillet 2018, le procureur Mueller inculpe 12 agents russes, tandis que Manafort est condamné à sept ans et demi de prison en février 2019, notamment en raison de fraudes liées à ses activités de lobbying à Kiev.
L’Ukraine, terre de business pour les « conseillers spécieux » de Trump ? Un autre homme, lui aussi au coeur de l’actualité, y a fait quelques affaires : Rudy Giuliani. Ses liens avec l’Ukraine remontent au début des années 2000. Dans le monde entier, on s’arrache alors l’ex-maire de New York, considéré comme un héros après les attentats du 11 Septembre. En 2008, l’ancien boxeur ukrainien Vitali Klitschko fait appel à lui pour lancer sa carrière politique. Il deviendra maire de Kiev six ans plus tard. En 2017, Giuliani décroche un contrat avec le tycoon de l’immobilier Pavel Fuks. Il l’aide à installer un système d’alerte dans sa ville natale, Kharkiv. En août 2018, enfin, Giuliani est sollicité par deux Américains d’origines ukrainienne et biélorusse, Lev Parnas et Igor Fruman. Ils lui demandent de les aider à développer leur société de sécurité. Quelques mois plus tard, les deux hommes, qui se disent désormais associés de Giuliani, viennent à Kiev. Leur mission : trouver des personnes susceptibles de nuire au candidat démocrate Joe Biden, l’un des principaux rivaux de Donald Trump pour la prochaine élection présidentielle. L’affaire tourne court. Parnas et Fruman sont arrêtés en octobre 2019 aux Etats-Unis pour infraction aux lois sur le financement politique. Ils sont également soupçonnés d’avoir oeuvré en coulisses pour faire rappeler l’ambassadrice des Etats-Unis à Kiev, Marie Yovanovitch.
On connaît la suite. Giuliani, l’avocat personnel de Trump, se retrouve au coeur de la procédure de destitution lancée par le camp démocrate. Les auditions en cours à Washington montrent aussi que Rudy Giuliani – comme Paul Manafort – a tout fait pour discréditer le pouvoir ukrainien aux yeux de Trump. Ancien envoyé spécial en Ukraine, Kurt Volker l’a affirmé durant son entretien. Rudy Giuliani disait fréquemment au président américain que les Ukrainiens « sont tous corrompus, qu’ils sont tous des gens terribles ». Pis, ajoute Kurt Volker : Donald Trump rejetait en bloc tous les « récits positifs » que ses diplomates lui donnaient sur ce pays, parce que Giuliani lui disait le contraire.
Pauvres Ukrainiens, qui, en ces temps troublés, auraient aimé avoir une autre relation avec Washington… « Nous avons besoin de l’expertise occidentale pour instaurer un véritable Etat de droit dans notre pays, commente Ivan Yakovina, expert en relations internationales, à Kiev. Finalement, la corruption est venue du pays sur lequel nous comptions le plus : les Etats-Unis. »