LES AFFAMÉS ET LES RASSASIÉS
par Timur Vermes, trad. de l’allemand par Mathilde Sobottke. Belfond, 516 p., 21 €. 15/20
Peut-on écrire sur les migrants avec humour et légèreté, loin du style souvent compassionnel et grave qui prévaut dans certains romans de cette rentrée sur le sujet ? Oui, répond résolument Timur Vermes, écrivain allemand qui s’est déjà fait remarquer avec Il est de retour (Belfond), fable grinçante dans laquelle il imaginait la résurrection d’Adolf Hitler dans l’Allemagne d’Angela Merkel. Cette fois-ci, Vermes met en scène une émission de télé-réalité allemande, Ange dans la misère,
qui va prendre pour décor un camp de 2 millions de migrants dans le désert africain, quelque part dans les années 2020. Sa présentatrice sexy et diva, Nadège Hackenbusch, se fond donc dans l’enfer caniculaire du camp, accompagnée d’une armada de cameramans et de producteurs (la scène de casting du « bon » migrant destiné à devenir le coprésentateur est hilarante). Les habitants du camp observent, médusés, cette femme étrange, qui, ont-ils vu sur YouTube, est capable « de se déguiser en pute de village pour se verser un seau d’eau glacé sur la tête ». Natürlich,
rien ne va se passer comme prévu et 150 000 de ces migrants décident de marcher vers l’Europe sous l’oeil des caméras, provoquant la fureur des autorités allemandes, contraintes d’ériger un nouveau « mur ». Les Affamés et les Rassasiés
tourne alors à une version tragicomique du Camp des saints, ce roman prémonitoire et très droitier de Jean Raspail, qui imaginait, en 1973, le débarquement de barques remplies d’étrangers sur la Côte d’Azur. Peut-être un tantinet trop longue, la vaste fable de Timur Vermes démonte de manière réjouissante les discours politiquement corrects et les arrièrepensées des gouvernants autour des migrants. Au point que l’on se demande souvent si l’on n’est pas dans la France de 2019…