L'Express (France)

Une quête de paternité musicale et déjantée

- D. P.

Blessé par balle au Bataclan, où il assistait au concert des Eagles of Death Metal, Erwan Larher a pris le temps nécessaire pour raconter « son » 13 novembre 2015 dans Le Livre que je ne voulais pas écrire, paru deux ans plus tard. Un récit distancié, intelligen­t, au succès mérité. On en souhaite autant à son nouveau roman, retour à la pure fiction qui confirme le talent ébouriffan­t de cet auteur prompt à s’affranchir des carcans littéraire­s et à questionne­r l’époque. Tenez, sa narratrice, Jane, 21 ans : une jolie môme frondeuse tendance piercing, débarquée à Paname sans diplôme ni vrai métier, abonnée aux jobs d’hôtesse et autres plans de survie – « du black, des pipes, de la choure ». Une « guerrière » gouailleus­e, hyperconne­ctée, des « boloss », « besta », « teuche », « #yolo » plein la bouche (mieux vaut avoir un ado sous la main pour traduire), qui trace sa route sans états d’âme. Alors que sa « neurasthén­ique » de mère vient de mourir accidentel­lement, Jane est rattrapée par une obsession : qui était son père, parti quand elle avait 3 ans ? Ce chanteur de rock autrefois célèbre et mystérieus­ement disparu, ou son ami et rival guitariste retiré dans un coin perdu pour vivre en ermite ? Joris ou Johann, lequel Jo des deux ? « Quelqu’un sait pourquoi les hommes fuient ? » s’interroge la jeune femme. Les hommes en prennent souvent pour leur grade sous la plume incisive d’Erwan Larher, à commencer par le très fat personnage de « l’Ecrivain », qui drague Jane, ou encore ces « musicos » à l’ego hypertroph­ié que le romancier évoque en connaissan­ce de cause pour avoir travaillé dans l’industrie musicale. Alternant les voix et les registres avec une grande liberté stylistiqu­e (dont quelques néologisme­s audacieux) et beaucoup d’humour, il excelle surtout à brosser le portrait d’une gamine très attachante in fine. Narguer le système ou s’en extraire totalement, telle est (aussi) la question de ce roman électrisan­t comme un riff de guitare, attendriss­ant comme les larmes de cette rebelle dure au mal.

POURQUOI LES HOMMES FUIENT?

Par erwan larher,ed. quidam, 356 p., 22 €. 18/20

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