Le Petit Prince : le grand ras-le-bol !
Dieu sait si, enfant, on a aimé entendre l’histoire du Petit Prince racontée par la voix captivante de Gérard Philipe.
Dieu sait si sa portée initiatique et intemporelle continue de nous toucher, au point de ne pas ménager nos efforts pour essayer d’en convaincre ses (nombreux) détracteurs. Bref, ce conte universel figure en bonne place dans notre panthéon personnel. Et tant mieux si, depuis sa parution, en 1943, Le Petit Prince s’est écoulé à plus de 200 millions d’exemplaires et qu’il est traduit en
361 langues (paraît-il). Mais la moutarde nous monte au nez à force de voir les ayants droit et les thuriféraires d’Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) accommoder son oeuvre mythique à toutes les sauces et sauter sur la moindre date anniversaire pour attirer les projecteurs médiatiques. La dernière commémoration en date? Les 75 ans de la mort de l’écrivain cette année, prétexte à célébrer dans la foulée le 10e anniversaire de la fondation qui porte son nom, les 21 et 22 novembre prochains.
Avec, certes, un beau programme à l’attention des minots, sur des thèmes aussi louables que « dépassement de soi, courage et conscience écologique ». Avec, malheureusement, en introduction, après l’« accueil du public », l’annonce de l’« arrivée du Petit Prince », dont on se demande s’il s’agit d’un personnage déguisé façon Disneyland. Serait-ce un vendeur du Petit Prince Store Paris, la boutique du Quartier latin spécialisée dans les produits dérivés de l’oeuvre de SaintExupéry ? A moins que ce soit un comédien en provenance du parc d’attractions du Petit Prince, à Ungersheim, en Alsace, également « dédié ». On n’ose imaginer les festivités prévues l’année prochaine pour les 120 ans de la naissance de Saint-Exupéry… « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante », disait le renard au jeune héros. « C’est l’argent que tu as gagné par Le Petit Prince qui fait ton Petit Prince si important », peut désormais lancer l’auteur, d’outre-tombe et sans doute marri, à ses héritiers mercantiles!