L'Express (France)

FUGUE MEXICAINE

- D. P.

par Chloé Aridjis, trad. de l’anglais par A. Bargel. Mercure de France, 176 p., 21 €. 16/20

« J’avais 17 ans et il était temps d’affirmer mon indépendan­ce. » En ce mois d’octobre 1988, Luisa, lycéenne à Mexico, fugue de chez ses parents en compagnie de Tomás, un garçon mystérieux, de 2 ans son aîné, dont elle est amoureuse bien que le connaissan­t « à peine ». Luisa l’a convaincu de partir à la recherche d’une troupe de nains ukrainiens qui se sont enfuis d’un cirque soviétique en tournée au Mexique, comme elle l’a lu dans le journal. Leur escapade en car les mènera finalement jusqu’à la plage de Zipolite, sur la côte Pacifique, dans le sud de l’Etat d’Oaxaca. Un lieu mythique pour les hippies, l’une des seules plages nudistes du pays, où se retrouvent des jeunes venus du monde entier. Si l’idylle dont Luisa rêvait avec Tomás va tourner court, l’adolescent­e se laisse porter par l’indolence ambiante, les rencontres inattendue­s au café El Cósmico en éclusant des bières Negra Modelo ou des tequilas sunrise, les fêtes autour d’un feu de camp. Fascinée par la mer, son ressac, ses profondeur­s, elle se remémore aussi les temps forts de sa jeunesse dans la colonia (le quartier) Roma de Mexico. Ce troisième roman traduit en français de Chloé Aridjis nous entraîne dans un voyage à la fois initiatiqu­e et dépaysant, pittoresqu­e et fantaisist­e. L’écriture simple de l’écrivaine mexicano-américaine restitue finement les émois, les réflexions et les rêveries de sa narratrice (son double). Sous les auspices de Baudelaire et de Lautréamon­t, au son des tubes des Cure, des Smiths, des Sisters of Mercy ou de Joy Division, les réminiscen­ces de Luisa riment avec une certaine nostalgie : « Peu importent les efforts qu’on accomplit pour réprimer nos souvenirs, après quelque temps les rivages s’érodent, les châteaux de sable s’effondrent et les sirènes noyées refont surface », conclut-elle.

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