OÙ VONT LES FILS?

par Olivier Frébourg. Mercure de France, 160 p., 15,50 €. 16/20

« Rien ne m’est plus étranger que la résilience, ce pansement pour urbains dépressifs et dépossédés d’eux-mêmes » : la phrase claque, comme une fin de non-recevoir. Oui, celui à qui la simple vision d’une famille unie en voiture arrache le coeur n’a pas l’intention d’oublier. D’oublier quoi ? Les jours heureux, les étés rieurs dans le Sud-Ouest, « le bonheur profond, ample, souple d’une famille qui se déploie comme une voile », et sa femme, ou plutôt son ex-femme, celle qui avait la « langueur des tropiques ». Pour Olivier Frébourg, journaliste, éditeur et père de trois fils, le temps semble s’être arrêté en ce jour de septembre, jour de son anniversaire, lorsqu’il reçut une lettre d’avocat lui demandant le divorce. Plaqué ! Balayé ! Fauché comme un poilu qui n’avait pas 20 ans. Echoué comme le paquebot Antilles, dont son père avait longtemps été le second capitaine. Ouverture du champ de bataille et prémices d’un long voyage dans l’« exil intérieur ». Mais il y a les garçons, alors Frébourg se démène, pousse son Caddie dans les centres commerciaux, emmène ses enfants au tennis, au foot, refait des courses, les conduit à leurs leçons de piano. Par bribes, il convoque ses souvenirs, l’enfance heureuse en Martinique, dont il ne se remet pas, l’adolescence en Normandie avec pour ligne de mire les plages du Débarquement, la musique de sa jeunesse, Téléphone, enceintes au bord de l’explosion, les films de Claude Sautet, traversés par des failles et des divorces, son imprimeur, François Floch le magnifique, le Cambodge, premier de ses grands reportages et de ces voyages qui font « repousser la mort du bout du nez ».

Les phrases s’enchaînent, belles et souples, tel un élégant lamento, sans artifices ni faux-semblants, en guise de témoignage de tous ces hommes orphelins de l’amour, sauvés par leurs enfants.