JOURNAL D’UN HOMME SANS IMPORTANCE
« Le livre le plus drôle du monde », aurait proclamé Evelyn Waugh à propos de l’ouvrage de ses compatriotes les frères George et Weedon Grossmith, publié tout d’abord sous la forme d’un feuilleton dans Punch,
en 1892. Excessif, peut-être, mais pas si loin de la vérité tant est cocasse ce Journal d’un homme sans importance,
chronique, avec illustrations, du quotidien d’un employé de la City à la fin de l’ère victorienne. Réputés dans le monde de la comédie et du théâtre, les Grossmith ont su rendre, sans esbroufe ni effets de manches, quasi palpitant le train-train de Charles Pooter. Du grand art. Mr Pooter vient de s’installer avec sa fidèle épouse, Carrie, et leur domestique, Sarah, dans une maison de la banlieue londonienne. Travaux divers dans la demeure, choix des fournisseurs et premiers démêlés avec ceux-ci, visites du vieil ami Gowing et du voisin Cummings… L’employé modèle de la firme de Mr Perkupp est un homme des plus occupés, d’autant que, doté d’une maladresse sans égale, il passe un temps certain à rattraper ses bévues. A ces petits désagréments quotidiens, relatés sur un ton placide so British,
vient se greffer l’arrivée du fils, Willie, dit « Lupin », tout juste flanqué à la porte de sa banque. Sympathique, le Lupin, mais plutôt turbulent et imprévisible, surtout lorsqu’il s’amourache de Daisy Mutlar et traîne du côté d’une troupe de théâtre amateur. Rien, pourtant, qui ne saurait déstabiliser Charles le flegmatique, qui continue à compter ses sous, à égrener ses plaisanteries, plus ou moins intelligibles, et à, gentiment, se ridiculiser – le récit du bal à la Mansion House, la résidence du lord-maire, est à cet égard un petit joyau. Chapeau bas aux Grossmith brothers.