L'Express (France)

« PASSE-MOI LE CHAMPAGNE, J’AI UN CHAT DANS LA GORGE »

- par Loïc Prigent. Grasset, 220 p., 16 €. J. D.

Dans ce mondelà, l’apocalypse, c’est Catherine Deneuve qui reste coincée dans un ascenseur la menant à un défilé. Sinon, tout va bien. Bienvenue en Champagnie, ce petit monde de fashionist­as où les bulles bercent votre vie le long des podiums de mode. Depuis des années, Loïc Prigent, un ancien de Libération et de Canal +, compile les phrases entendues en marge des défilés. Son premier volume, J’adore la mode, mais c’est tout ce que je déteste (Grasset), s’était écoulé à 80 000 exemplaire­s (poche compris) en 2016. La moisson des saisons 2018 et 2019 vaut aussi son pesant de cacahuètes (bio). Il y a la déconnecté­e :

« J’ai mis l’appartemen­t sur Airbnb. Tu crois que j’enlève le Chagall ? » La géopolitiq­ue :

« Vu le nombre de colliers à 100 000 qu’on vend en Chine, je dis vive le communisme. » La langue de pute : « Ce sont des chaussures extrêmemen­t belles, mais qu’on devrait livrer avec des béquilles. » Certains sont même profonds par superficia­lité : « On voulait changer le monde, vous voulez le code du WiFi. » Ou encore : « J’ai deux rendezvous dont deux ennuyeux. » Comme l’écrit fort justement Loïc Prigent, ces rédactrice­s de mode, attachés de presse, stylistes et clientes fortunées sont des « artistes du bon mot involontai­re ». Un univers inventif par indécence, dont les dieux sont « Karl »,

« Kate », « Anna » ou « Gisele », et pour lequel la « vraie vie » s’appelle Instagram. « J’aime pas trop le risotto, ça s’instagramm­e mal », soupire un convive. Il y a vingt ans, sur le même principe, JeanMarie Gourio triomphait avec ses Brèves de comptoir, compilatio­n de mots poétiques ou absurdes glanés autour d’un Ricard dans les bistrots. Aujourd’hui, avec les « brèves de podium » de Prigent, c’est le luxe, la mode et le champagne qui fascinent. Signe des temps ?

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