L'Express (France)

SOUVENIRS, SOUVENIRS…

- par Catherine Nay. Robert Laffont, 352 p., 21,50 €. E. K.

Journalist­e débutante, au milieu des années 1960, Catherine Nay a un rêve : être engagée à L’Express. « Travailler dans un journal dirigé par Jean-Jacques ServanSchr­eiber et Françoise Giroud, le couple mythique fondateur, représenta­it pour moi le summum du profession­nalisme et le comble du chic », écrit-elle dans Souvenirs, souvenirs…, publié chez Robert Laffont. C’est la grande époque. Le journal tire à 500 000 exemplaire­s, il y a 250 000 abonnés, et JJSS théorise devant son équipe :

« Si un sujet n’est pas traité chez nous, le lecteur doit être convaincu qu’il n’en valait pas la peine ! » Catherine Nay raconte l’atmosphère familiale qui règne au sein de la rédaction, où écrivent plusieurs frères et soeurs Servan-Schreiber, sous l’autorité d’une mère, Denise, qui « idolâtrait son fils Jean-Jacques ». Six chauffeurs conduisent alors les journalist­es à leur rendez-vous, et les attendent pour les ramener au journal. Chaque semaine, Françoise Giroud convie un homme politique à déjeuner dans la salle à manger des locaux de la rue de Berri. « Avant de les recevoir, se souvient Catherine Nay, elle voulait tout savoir de leur vie privée : en clair, qui couche avec qui, et me réclamait des anecdotes. » En 1969, JJSS, qui rêve d’une carrière politique, devient secrétaire général du Parti radical. Cette nomination, écrit la journalist­e, « pose un sacré problème à L’Express : celui de son indépendan­ce politique ». D’autant que le fondateur se met en congé de son journal mais continue d’y écrire « à titre personnel »… Plus tard, c’est son entrée au gouverneme­nt qui fait encore tanguer le navire, plombé par ses ambitions électorale­s : « Les sommes que JJSS prélève pour promouvoir son image et faire campagne engloutiss­ent la moitié des profits du journal. » Bientôt, Catherine Nay quittera L’Express pour Europe 1. Souvenirs, souvenirs… raconte sans mélancolie un monde politique englouti. Les anecdotes de l’auteure, réminiscen­ces d’une époque où même les petites combinaiso­ns pour obtenir le pouvoir avaient de l’allure, confronten­t de Gaulle à Pompidou, Chaban-Delmas à Messmer, et encore Chirac aux barons du gaullisme... C’est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, mais que Catherine Nay fait revivre comme on projette un vieux film de famille en super-huit, presque avec tendresse. Quant à son mépris souverain pour Valéry Giscard d’Estaing, servi par une plume acérée, il est tout simplement… réjouissan­t.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France