Un marathon coton en Corée du Nord
Mais qu’est-il allé faire dans cette galère ? Jacky Schwartzmann, 47 ans, ex-éducateur, ex-libraire, hier abonné aux petits boulots dont il a tiré des polars poilants et piquants (dont Mauvais coûts et Demain c’est loin), a décidé de participer au marathon annuel de la Corée du Nord. Un défi fou que ce père de famille, installé à Lyon, relate avec sa gouaille habituelle dans Pyongyang 1071 (son numéro de dossard). Incrédulité de l’entourage, entraînement laborieux, doutes, périple interminable via la Chine. Et c’est parti pour 42 kilomètres d’une course surréaliste, en avril dernier, avant un séjour qui ne le sera pas moins dans la dernière dictature postcommuniste, « affublée de surcroît d’un folklore kitsch et décalé ». Une immersion sous la surveillance continuelle de guides anglophones, où l’incrédulité le dispute à la curiosité, l’exaspération à l’hilarité.
« Lors d’une soirée créole bien arrosée, un copain écrivain m’avait fait part de son projet d’ascension du mont Blanc alors qu’il a un souffle au coeur, confie Jacky Schwartzmann, natif de Besançon. N’étant pas très sportif, je me suis demandé quel serait mon mont Blanc à moi… » Va pour le marathon de Pyongyang, ouvert aux étrangers amateurs depuis 2014. Un séjour en URSS à l’été 1989 et un voyage scolaire trois ans après en Roumanie lui ont donné le goût des dictatures. « A la fois attiré et rebuté par ce pays tellement bizarre, ce peuple perché et ses dirigeants incongrus », Jacky ira en Corée du Nord coûte que coûte (4 500 euros tout compris). Mais, trois semaines avant le départ, c’est « la pétoche » maximale. « Je ne savais pas que ce serait un voyage très organisé, alors j’ai commencé à consigner mes appréhensions pour ne pas les oublier. » Il se renseigne a minima, entre la BD de Guy Delisle (Pyongyang), l’essai d’Abel Meiers (On a marché dans Pyongyang), celui de Juliette Morillot (Le Monde selon Kim Jong-un) et le documentaire de Marjolaine Grappe sur Arte (Les Hommes du dictateur).
« Je voulais rester vierge de tout a priori. Et puis je suis très scolaire, il n’y avait pas de risque de dérapage. En revanche, je craignais une maladresse. » A la peine pendant le marathon, auquel assistent des spectateurs « souriants et discrets », « sans aucune effusion », et avec de l’eau comme seul ravitaillement, Jacky Schwartzmann termine 123e sur 191, en 4 heures, 3 minutes et 8 secondes. S’ensuivra un périple « touristique » d’une semaine, aussi mémorable que frustrant, dans la patrie du « Président éternel » Kim Il-sung (1912-1994). « Ce qui m’a le plus déçu, c’est l’impossibilité d’entrer en contact avec les autochtones. Nous avons été tenus à distance sans cesse. » Interdiction également de prendre des notes sur place : « De retour en France, j’ai tapé sur mon ordinateur comme un fou pour ne perdre aucun souvenir. » Mission accomplie. Son témoignage, lui, mérite la médaille d’or !
PYONGYANG 1071 par Jacky Schwartzmann. Paulsen, 190 p., 19,90 €. 17/20