LES SIMPLES
par Yannick Grannec. Anne Carrière, 446 p., 22 €. 17/20
Ce troisième roman de la talentueuse Yannick Grannec pourrait rebuter le profane peu au fait des us religieux dans la Provence du xvie siècle. Car l’auteure de La Déesse des petites victoires (2012), puis du Bal mécanique (2016), ne s’aventure pas à la légère en terre inconnue. D’où un travail de documentation poussé, une érudition époustouflante et des notes de bas de page. La terre en question est celle où poussent les simples, plantes aux vertus médicinales dont les préparations font la réputation, et la bonne fortune, d’une petite communauté de bénédictines à l’abbaye (fictive) de NotreDame du Loup. Et ce grâce à la doyenne, soeur Clémence, experte en leur « infinie variété » – de l’armoise au bouillon-blanc, de l’aigremoine à la consoude, de la toute-bonne au pas-d’âne, etc. Las, le nouvel évêque de la région, Jean de Solines, a flairé le filon et va manoeuvrer pour se l’approprier. Il mandate ainsi son jeune et très pieux vicaire, Léon de Sine, au motif d’inspecter l’abbaye. Mais un accident de cheval contraint ce dernier d’y séjourner plus longtemps que prévu. Au risque de bousculer le fragile équilibre entre les louventines, menées d’une main de fer par leur abbesse qui voit le Malin partout. A raison… D’avril 1584 à février 1585, Les Simples raconte l’histoire d’une descente aux enfers ourdie par un clergé nécrosé au possible, dont le mot d’ordre s’inspire de Thomas d’Aquin : « La femme est un être occasionnel et accidentel. » Si Yannick Grannec restitue scrupuleusement une organisation moniale et des moeurs aussi méconnues que révoltantes, elle s’appuie sur un casting de choix et ne cède rien au terrain romanesque. Entre Le Nom de la rose d’Umberto Eco et Soeur Fidelma, de l’Irlandais Peter Tremayne, voilà un livre d’une brûlante actualité – si, si. A quand son adaptation au cinéma ?