QUATRE IDIOTS EN SYRIE
par Christophe Donner. Grasset, 160 p., 17 €. 17/20
En fait, il faut attendre la page 70 et la référence à Notre-Dame qui « a brûlé toute la nuit », pour comprendre à quelle époque précise se déroule le récit baroque de Christophe Donner. Car à Damas, où ont atterri, tels les Pieds nickelés, outre l’auteur, l’écrivain spécialiste des raids équestres Jean-Louis Gouraud et deux autres comparses, aucune trace de guerre. Il est vrai qu’entre le Sheraton et les banquets avec dignitaires et discours dans le cadre du Festival du cheval (le but de la virée), le quatuor français – et non arabophone – n’a guère le loisir de se frotter à la réalité syrienne. « On se demande un peu ce qu’on fout là », note très vite Donner après nous avoir en quelques mots dépeint l’instigateur de leur venue, un certain Adnan Azzam, cavalier un rien illuminé mais dont le véritable métier se révèle être agent recruteur d’« idiots utiles » au régime. Son précédent exploit a été de faire venir une délégation française de gilets jaunes, menée par le charismatique Lucien Cerise, qui s’est empressé de fustiger « le lobby sioniste américain » à la tête de la désinformation sur la Syrie et son leader, El-Assad. Cette fois-ci, l’« idiot utile » en chef n’est autre que Jean-Louis Gouraud, qu’Azzam exhibe comme étant le petit-fils du général Gouraud, grand ordonnateur du mandat français en Syrie, mort en 1946 sans avoir… eu d’enfants.
Un « descendant », donc, ennemi de tous les colonialismes, venu « présenter des excuses de la France pour tout le mal que son aïeul a fait à la Syrie », si l’on en croit les traductions mensongères et acrobatiques d’Azzam. On assiste, mi-amusés mi-estomaqués, à cette supercherie narrée avec la désinvolture et l’humour corrosif chers à Christophe Donner, auteur prolifique et ex-chroniqueur hippique à France-Soir.