« LA SNCF DEVRA VIVRE AVEC LA CONCURRENCE »
Le secrétaire d’Etat aux Transports se prépare à une semaine sociale très agitée.
Dans son bureau, Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’Etat aux Transports, s’est construit un petit musée. Une affiche façon station RATP à son nom, un exemplaire jauni d’Info-Pilote accroché au mur et une bible 80 ans de la SNCF à portée de main. L’ancien rapporteur de la réforme ferroviaire, énergique et cash, colle aux codes de la Macronie. A chaque problème, il vous fait un schéma. Alors, forcément, à la veille de la grève, il avait quelques croquis à montrer à L’Express.
l’express La réforme des retraites pourrait ne s’appliquer que pour les plus récents dans l’entreprise. N’avez-vous pas peur de créer un système à deux vitesses à la SNCF ?
Jean-Baptiste Djebbari Lorsque j’échange avec les entrants dans l’entreprise, j’observe qu’ils fondent leurs choix de vie sur d’autres enjeux que la retraite : la mobilité géographique, le salaire, les conditions de travail… En revanche, quand un salarié est dans le groupe depuis longtemps, c’est différent. Mon idée est de respecter un contrat moral. Et donc, pour ceux qui sont proches de la retraite, faire en sorte qu’ils n’entrent pas dans le système universel.
La Cour des comptes suggère d’accentuer l’effort des réductions d’effectif. Qu’en pensez-vous ?
J.-B. D. Ces travaux, je les lis toujours avec grande attention. Mais, aujourd’hui, le patron de la SNCF, c’est Jean-Pierre Farandou, et l’actionnaire, c’est l’Etat. Aucune entreprise ne peut être gérée avec d’incessants plans de productivité. L’objectif ne peut pas se résumer à faire des économies. Nous devons arrêter d’avoir une pensée uniquement financière. C’est mortifère.
Y a-t-il eu trop de réorganisations ces dernières années, comme l’affirme le nouveau PDG ?
J.-B. D. Pendant trop longtemps, par manque de courage politique, rien n’a été fait. Il a donc fallu agir très vite. L’entreprise a notamment réussi sa révolution numérique. C’est, selon moi, le grand héritage de l’ère Pepy. La réforme qui entre en vigueur le 1er janvier prochain amorce de nouvelles bases. Mais la révolution de l’organisation n’a pas encore été faite.
Le ferroviaire doit-il être rentable ?
J.-B. D. Le ferroviaire, comme tout service public, a une exigence d’efficacité. C’est d’autant plus vrai qu’il représente un budget global de 24 milliards d’euros, dont 11 milliards de recettes commerciales et 13 milliards de contributions publiques. Il est donc financé davantage par le contribuable que par le client. C’est un service public qui va devoir apprendre à vivre avec la concurrence. Nous pouvons être plus innovants avec les finances. Je prends l’exemple des petites lignes : nous n’avons pas besoin de faire circuler des TER (qui coûtent 8 millions d’euros à l’achat) pour transporter 200 personnes, nous devons relancer des petits trains légers dans les territoires. Ils sont la solution adaptée au besoin et intéressante sur le plan financier.
Vous semblez aussi très favorable au train de nuit…
J.-B. D. Nous avons commandé un rapport, qui sera remis au Parlement au printemps. Aujourd’hui, nous n’avons plus que deux trains de nuit qui circulent depuis Paris. Mais nous croyons beaucoup à ce modèle en tirant parti de l’ouverture à la concurrence sur des axes transversaux, comme Lille-Lyon ou Lille-Marseille. Pourquoi pas aussi sur des axes transfrontaliers comme Paris-Berlin ou Paris-Barcelone.
Le pilote de formation que vous êtes a-t-il la fibre ferroviaire ?
J.-B. D. J’ai grandi dans l’univers du train et j’ai à coeur d’accompagner le secteur dans ces grands défis, nécessaires et porteurs. Je suis en désaccord avec la CGT, mais certaines valeurs de la SNCF, fondées sur le compagnonnage et l’esprit de famille, ont encore du sens et sont extrêmement intéressantes.