L'Express (France)

Pétrole : cherche tankers désespérem­ent

Touchés par les sanctions américaine­s, des navires pétroliers chinois, iraniens ou vénézuélie­ns échappent aux radars pour transporte­r du pétrole sans laisser de trace.

- B. Br

On pourrait croire à une légende de pirates. Le 5 juin, le Pacific Bravo, un pétrolier chinois de 300 000 tonnes, disparaît des radars dans l’océan Indien. Il réapparaît le 18 juillet sous le nom de Latin Venture le long des côtes malaisienn­es. Le 2 septembre, c’est au tour de l’Adrian Darya 1, un navire iranien transporta­nt l’équivalent de 2,1 millions de barils, de s’évaporer en Méditerran­ée. Le 9 octobre, 14 tankers chinois remplis d’or noir deviennent introuvabl­es en haute mer… Aucun triangle des Bermudes derrière cette série de disparitio­ns, mais un jeu de cache-cache entre les autorités américaine­s et des compagnies pétrolière­s qui « osent » se ravitaille­r en Iran ou au Venezuela.

Les deux pays figurent en effet sur la liste noire de Donald Trump, et le sulfureux président menace de sanctionne­r quiconque se permettrai­t de commercer avec Téhéran ou Caracas. Résultat, des tankers, ces cargos qui transporte­nt des millions de barils, débranchen­t leur système de localisati­on pour éviter que l’on puisse retracer leur itinéraire. Impossible alors de prouver que les navires sont bien allés faire le plein de pétrole perse ou vénézuélie­n. Leurs principaux clients ? L’Inde et, surtout, la Chine, qui importait en secret près de 200 000 barils iraniens par jour cet été.

Agacé, Washington a riposté, le 25 septembre, en frappant de sanctions le groupe chinois Cosco, l’un des plus gros armateurs de la planète. Immédiatem­ent, tous les partenaire­s occidentau­x du chinois ont pris leurs distances, de peur d’être rattrapés à leur tour par la patrouille américaine. Le rush des compagnies sur les armateurs concurrent­s a provoqué une flambée spectacula­ire des prix du transport du pétrole entre le Moyen-Orient et l’empire du Milieu. De 7 500 dollars par jour au mois de mai, le tarif a frôlé les 250 000 dollars au plus fort de la crise en octobre, pour se stabiliser autour de 70 000 dollars actuelleme­nt (voir infographi­e).

A la fin du mois dernier, le départemen­t du Trésor américain a publié une dispense de près de deux mois visant à permettre aux sociétés de liquider leurs transactio­ns avec le pétrolier chinois. Reste que des tankers de Cosco naviguent toujours secrètemen­t sur les océans.

VAISSEAUX FANTÔMES

L’arrêt du système permettant le traçage d’un cargo est interdit par l’Organisati­on maritime internatio­nale. Cette agence de l’ONU exige que les vaisseaux de plus de 300 tonnes disposent d’un moyen de suivi. Il est ainsi plus facile de les localiser en cas d’accident, mais aussi de suivre le trafic maritime entre les pays. Problème : il n’existe aucune punition en cas de manquement à la règle. Le Venezuela a ainsi exporté 10,86 millions de barils de brut au cours des onze premiers jours de novembre, soit plus du double du volume enregistré à la même période le mois dernier. Environ la moitié de ces barils ont été chargés sur des navires qui avaient éteint leur transponde­ur, selon l’agence Bloomberg.

« Le transport caché, mais aussi les transferts illicites de pétrole de navire à navire provoquent des dégâts environnem­entaux considérab­les », explique Ned Molly, consultant spécialist­e du secteur. Ainsi la marée noire qui frappe les côtes brésilienn­es depuis août dernier serait liée, selon les enquêteurs brésiliens, à un accident survenu lors d’un transborde­ment d’hydrocarbu­res provenant du Venezuela. Un coupable fantôme qui ne fera jamais l’objet d’un procès, alors que 2 000 kilomètres de plage sont déjà souillés de pétrole.

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