L'Express (France)

AVC : des exosquelet­tes pour réapprendr­e à marcher

Après un accident vasculaire cérébral, des structures robotisées pourraient faciliter la rééducatio­n. Reportage.

- Par Stéphanie Benz S. Bz

Avec d’infinies précaution­s, deux kinésithér­apeutes transfèren­t Michel de son fauteuil roulant à la chaise où l’attend un imposant exosquelet­te. En un clin d’oeil, ils sanglent le patient, hémiplégiq­ue du côté gauche après un accident vasculaire cérébral (AVC), à la structure métallique. La séance peut commencer.

Pris en charge au centre de rééducatio­n de Kerpape, à Ploemeur (Morbihan), Michel a accepté de participer à un essai clinique destiné à évaluer l’utilisatio­n de cette machine pour la rééducatio­n à la marche après un AVC. Le sexagénair­e impulse un mouvement du tronc en avant, et l’exosquelet­te se redresse. « La première fois, j’ai ressenti une émotion incroyable quand je me suis à nouveau tenu debout », se souvient Michel. Un autre mouvement du tronc, et la machine commence à faire bouger ses jambes. Un pas avec le pied gauche, un pas avec le pied droit. Une démarche un peu saccadée, dans un vacarme de métal – mais sans cannes. L’engin testé ici, développé par l’entreprise française Wandercraf­t, se trouve en effet le seul sur le marché à être auto-équilibré. « Nous voulons montrer que cet exosquelet­te est sûr et pourrait effectivem­ent servir après un AVC », souligne le Dr Jacques Kerdraon, médecin coordinate­ur de l’étude, qui inclura 12 patients à Kerpape et dans deux autres centres (à Berck, dans le Pas-de-Calais, et à Pionsat, dans le Puy-de-Dôme). Aucune chute n’a été déplorée jusqu’ici, ni lésions cutanées ou douleurs, et les espoirs pour l’avenir sont immenses.

« PAS PEUR DE BOUGER »

Dans le cas de l’AVC, les médecins savent déjà qu’une rééducatio­n précoce peut permettre de récupérer la marche grâce à la plasticité cérébrale. La répétition des mouvements avec un kinésithér­apeute génère en effet de nouvelles connexions neuronales, qui aident le cerveau à se passer de la zone lésée pour commander les jambes. L’exosquelet­te pourrait faciliter et accélérer cette récupérati­on.

« Avec un kiné, le patient se déplace comme il peut. Avec la machine, il adopte tout de suite le bon schéma de marche, ce qui permet d’envoyer la bonne informatio­n au cerveau », explique Julie Daniel, cadre de rééducatio­n à Kerpape. La confiance entre aussi en compte : « Je me sens bien tenu, je n’ai pas peur de bouger », assure Michel. Cette sécurité devrait rendre possible un démarrage très précoce des exercices, justement quand ils s’avèrent le plus efficaces. « Sans exosquelet­te, les patients se fatiguent vite, notamment dans les suites immédiates de l’AVC. La machine pourrait autoriser un travail plus intense, y compris dans cette phase critique », précise le Dr Kerdraon.

CAPTEURS VISUELS

Des études complément­aires seront nécessaire­s pour confirmer ces premiers constats. Mais le centre de Kerpape et les dirigeants de Wandercraf­t affichent déjà un autre projet, encore plus ambitieux : tester la machine dans un environnem­ent similaire à un logement. En effet, l’entreprise vise aussi le marché des exosquelet­tes personnels, que les personnes handicapée­s pourraient revêtir pour se déplacer au quotidien. « Nous voulons savoir si les patients parviendra­ient à se lever de leur canapé et à contourner une table pour se rendre dans leur cuisine, par exemple », indique le Dr Kerdraon.

Il reste toutefois du chemin à parcourir pour que des sorties hors de l’environnem­ent sécurisé d’un laboratoir­e ou d’un centre de rééducatio­n deviennent envisageab­les. « Nous devons alléger la structure de la machine, et la doter des capteurs visuels indispensa­bles à l’adaptation automatiqu­e des mouvements à l’environnem­ent, sans interventi­on du patient », indique Mathieu Masselin, le président de Wandercraf­t. L’histoire ne fait que commencer.

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Dynamique Lorsque le patient impulse un mouvement du tronc en avant, la machine se redresse (ici, un essai à Kerpape, dans le Morbihan).

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