AVC : des exosquelettes pour réapprendre à marcher
Après un accident vasculaire cérébral, des structures robotisées pourraient faciliter la rééducation. Reportage.
Avec d’infinies précautions, deux kinésithérapeutes transfèrent Michel de son fauteuil roulant à la chaise où l’attend un imposant exosquelette. En un clin d’oeil, ils sanglent le patient, hémiplégique du côté gauche après un accident vasculaire cérébral (AVC), à la structure métallique. La séance peut commencer.
Pris en charge au centre de rééducation de Kerpape, à Ploemeur (Morbihan), Michel a accepté de participer à un essai clinique destiné à évaluer l’utilisation de cette machine pour la rééducation à la marche après un AVC. Le sexagénaire impulse un mouvement du tronc en avant, et l’exosquelette se redresse. « La première fois, j’ai ressenti une émotion incroyable quand je me suis à nouveau tenu debout », se souvient Michel. Un autre mouvement du tronc, et la machine commence à faire bouger ses jambes. Un pas avec le pied gauche, un pas avec le pied droit. Une démarche un peu saccadée, dans un vacarme de métal – mais sans cannes. L’engin testé ici, développé par l’entreprise française Wandercraft, se trouve en effet le seul sur le marché à être auto-équilibré. « Nous voulons montrer que cet exosquelette est sûr et pourrait effectivement servir après un AVC », souligne le Dr Jacques Kerdraon, médecin coordinateur de l’étude, qui inclura 12 patients à Kerpape et dans deux autres centres (à Berck, dans le Pas-de-Calais, et à Pionsat, dans le Puy-de-Dôme). Aucune chute n’a été déplorée jusqu’ici, ni lésions cutanées ou douleurs, et les espoirs pour l’avenir sont immenses.
« PAS PEUR DE BOUGER »
Dans le cas de l’AVC, les médecins savent déjà qu’une rééducation précoce peut permettre de récupérer la marche grâce à la plasticité cérébrale. La répétition des mouvements avec un kinésithérapeute génère en effet de nouvelles connexions neuronales, qui aident le cerveau à se passer de la zone lésée pour commander les jambes. L’exosquelette pourrait faciliter et accélérer cette récupération.
« Avec un kiné, le patient se déplace comme il peut. Avec la machine, il adopte tout de suite le bon schéma de marche, ce qui permet d’envoyer la bonne information au cerveau », explique Julie Daniel, cadre de rééducation à Kerpape. La confiance entre aussi en compte : « Je me sens bien tenu, je n’ai pas peur de bouger », assure Michel. Cette sécurité devrait rendre possible un démarrage très précoce des exercices, justement quand ils s’avèrent le plus efficaces. « Sans exosquelette, les patients se fatiguent vite, notamment dans les suites immédiates de l’AVC. La machine pourrait autoriser un travail plus intense, y compris dans cette phase critique », précise le Dr Kerdraon.
CAPTEURS VISUELS
Des études complémentaires seront nécessaires pour confirmer ces premiers constats. Mais le centre de Kerpape et les dirigeants de Wandercraft affichent déjà un autre projet, encore plus ambitieux : tester la machine dans un environnement similaire à un logement. En effet, l’entreprise vise aussi le marché des exosquelettes personnels, que les personnes handicapées pourraient revêtir pour se déplacer au quotidien. « Nous voulons savoir si les patients parviendraient à se lever de leur canapé et à contourner une table pour se rendre dans leur cuisine, par exemple », indique le Dr Kerdraon.
Il reste toutefois du chemin à parcourir pour que des sorties hors de l’environnement sécurisé d’un laboratoire ou d’un centre de rééducation deviennent envisageables. « Nous devons alléger la structure de la machine, et la doter des capteurs visuels indispensables à l’adaptation automatique des mouvements à l’environnement, sans intervention du patient », indique Mathieu Masselin, le président de Wandercraft. L’histoire ne fait que commencer.