Parti démocrate : tous contre Bernie Sanders !
PAR AXEL GYLDÉN
Face à Donald Trump, le sénateur du Vermont, qui se dit socialiste, serait le pire candidat possible, estiment les modérés du parti de Barack Obama.
Après la victoire retentissante de Bernie Sanders dans le Nevada, samedi 22 février, l’establishment du Parti démocrate est en mode panique. A ses victoires dans l’Iowa et le New Hampshire, le sénateur du Vermont vient en effet d’ajouter un triomphe : 46,8 % des suffrages, loin devant ses rivaux Joe Biden (20,2 %), Pete Buttigieg (14,3 %) et Elizabeth Warren (9,7 %). Et voilà comment, soudain, prend corps « l’hypothèse Sanders »… Selon ce scénario, le candidat du « socialisme démocratique » pourrait réunir un nombre suffisant de délégués, ou grands électeurs, pour remporter la convention démocrate en juillet et affronter Donald Trump en novembre.
Une certitude : la dynamique « Bernie » est enclenchée. Elle repose sur un électorat jeune, incarné par la pasionaria Alexandria Ocasio-Cortez, qui soutient Sanders, et, depuis le scrutin du Nevada, sur une partie du vote ethnique, notamment latino, qui semble se tourner progressivement vers lui au détriment de l’ancien vice-président Joe Biden. Or, compte tenu de la balkanisation du Parti démocrate, cet élan paraît, pour le moment, inarrêtable. L’offre centriste, qui constitue l’alternative à Sanders, est en effet représentée par une pléthore de candidats (Biden, Buttigieg, Bloomberg, Klobuchar, Steyer), trop divisés pour lui faire contrepoids.
Avec l’exemple britannique à l’esprit, les cadres et les élus du Parti démocrate, majoritairement modérés et hostiles au populisme de Bernie, se font du mauvais sang. Pour eux, les choses sont claires : Sanders, c’est Jeremy Corbyn. Et, comme le travailliste anglais face à Boris Johnson, il ne fera pas le poids face à Trump. Le New-Yorkais Sami Karam, qui édite le site politique Populyst, voit, lui, des similitudes avec l’ère Nixon : « L’ancien président était la personnalité la plus comparable à Donald Trump (antiestablishment, antimédias, etc.). Or Nixon a gagné une première fois en 1968 et, en 1972, les “dems” ont choisi McGovern, le candidat le plus à gauche de l’histoire du parti… jusqu’à Bernie Sanders. Résultat ? Nixon a démoli McGovern, par 61 % à 38 %. » Conclusion : « Bernie Sanders n’a aucune chance. Pour l’emporter en novembre, il faut jouer au centre. D’ailleurs, tous mes amis de New York, quoique très anti-Trump, préféreront s’abstenir plutôt que voter Sanders. »
Hillary Clinton, qui a mal digéré le manque de soutien de Bernie Sanders en 2016, a tiré la sonnette d’alarme dès janvier. Dans Hillary, un documentaire présenté au festival du film de Sundance le mois dernier, elle étrille son ancien rival : « Il a été sénateur toute sa vie et n’a qu’un seul allié au Sénat. Personne ne l’aime, personne ne veut travailler avec lui, c’est un politicien professionnel qui raconte des balivernes. » Concurrent centriste de Sanders, Pete Buttigieg n’est guère plus amène : « Le sénateur du Vermont est quelqu’un d’intolérant, partisan d’une révolution idéologique qui exclut, de facto, la plupart des démocrates et des Américains. »
L’intelligentsia n’est pas en reste. Sur la chaîne anti-Trump MSNBC, le journaliste Chris Matthews compare la victoire de Sanders dans le Nevada à la débâcle de 1940 en France… L’analyste démocrate James Carville estime, lui, que « les primaires se passent bien… pour Vladimir Poutine ». De son côté, le très progressiste Washington Post n’a pas hésité, le 19 février, à détailler l’admiration de Bernie Sanders pour l’URSS, où il passa sa « lune de miel » en juin 1988, ou à évoquer sa mansuétude à l’égard de Nicolas Maduro, qu’il se refuse à qualifier de dictateur.
Quoi qu’il en soit, Bernie Sanders, qui mène la course à l’investiture, pourrait prendre une avance décisive dès le Super Tuesday, mardi 3 mars, où 14 Etats votent simultanément. Cependant, en raison du mode de scrutin proportionnel propre au Parti démocrate, sa marche victorieuse (si elle advient) ne ressemblera pas à celle, triomphale, de Donald Trump en 2016. Chez les républicains, le mode de scrutin, majoritaire, repose en effet sur le principe du winner-takes-all qui favorise le vainqueur : le candidat arrivé en tête remporte la totalité des mandats de délégué de chaque Etat. Ce n’est pas le cas chez les démocrates, où la répartition des grands électeurs est plus diluée. Résultat : tout indique que la convention démocrate (à Milwaukee, Wisconsin, du 13 au 16 juillet) démarrera sans candidat majoritaire. Dès lors, un grand jeu d’alliances et de marchandages, avec son lot de frustration, se mettra en place. Au deuxième tour, 771 « superdélégués » s’ajouteront aux 3 979 simples délégués, formant un corps électoral de 4 750 votants. Ces superdélégués, non élus, issus du parti et hostiles à Sanders, arbitreront la partie. La probabilité qu’ils se prononcent en faveur du « sénateur socialiste » avoisine zéro.W