Coronavirus : pourquoi la France n’est pas (encore) prête
Sur le terrain, l’épuisement des hospitaliers et l’engorgement prévisible des urgences pourraient poser problème.
Les hasards du calendrier sont parfois étonnants. En octobre dernier, un panel d’experts internationaux a publié la première édition du Global Health Security Index, une vaste étude visant à évaluer le degré de préparation de 195 pays face à un risque biologique émergent – comme une épidémie liée à un nouveau virus… Et la conclusion de ces spécialistes n’est guère rassurante : aucun pays ne paraît totalement prêt. Mais certains le sont plus que d’autres. La France, 11e du classement, se trouve bien placée, même si elle ne fait pas la course en tête. L’Italie, elle, arrive en 31e position, dernière, quasiment, parmi les pays riches.
D’après ces experts, l’Hexagone serait surtout bien armé pour repérer la survenue d’une menace et freiner sa propagation. De fait, la stratégie visant à détecter les cas suspects et leurs contacts, puis le cas échéant à les hospitaliser pour les isoler, fonctionne bien. Mais la donne pourrait changer avec une multiplication du nombre de cas. Pourrions-nous faire face à une situation épidémique sur notre territoire ? « Des dispositions sont prises, mais, dans le détail, tout n’est pas encore réglé », résume le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France. Quelque 35 millions de masques ont été commandés, mais les généralistes ne savent pas quand ils les recevront. En cas d’épidémie, les cas les moins graves devraient rester chez eux, mais les modalités de leur suivi commencent à peine à se mettre en place.
Et surtout, c’est un point crucial, auronsnous assez de lits de réanimation ? Les caractéristiques de la maladie laissent anticiper un besoin d’assistance respiratoire « très supérieur à celui observé lors des épidémies de grippe saisonnières les plus sévères que nous avons connues jusque-là », selon une note récente du directeur général de la Santé Jérôme Salomon. La France compte environ 5 000 places en réanimation, dont le taux d’occupation dépasse les 90 %. Les interventions non urgentes se verraient reportées pour dégager des lits, et si cela ne suffisait pas, les patients seraient pris en charge dans d’autres services. « Le problème, c’est que les soignants sont déjà peu nombreux, épuisés par le manque de moyens, et qu’eux-mêmes risquent de tomber malades », s’inquiète le Dr Laurent Heyer, secrétaire général du Conseil national professionnel de l’anesthésie-réanimation.
Mais la plus grande difficulté pourrait venir d’un mouvement de panique au sein de la population, et d’un engorgement des urgences. Rappelons que c’est à l’hôpital que nombre de Chinois se sont contaminés. Et que le Covid-19, s’il se répand, restera le plus souvent bénin. Même si les autorités martèlent ce message, il n’est pas sûr qu’il soit entendu…W