Les Français sont-ils nuls en économie ?
Fiscalité, inégalités, inflation… Se passionner pour ces sujets est une chose, avoir les clefs pour en comprendre les grands mécanismes en est une autre. Etat des lieux des connaissances.
OUI / UNE IGNORANCE À LA SOURCE D’UNE MONTÉE DE L’EXTRÉMISME POLITIQUE
Entre les Français et l’économie, les relations sont tumultueuses. Certes, les comparaisons avec nos voisins sont parfois flatteuses, mais elles ne doivent pas faire illusion. Une enquête mondiale conduite en 2014 par Standard & Poor’s sur « l’alphabétisme financier » a montré que la France se trouvait juste au-dessus de la moyenne des pays de l’Union européenne, mais très loin derrière la Suède ou le Royaume-Uni.
Selon un sondage de l’Ifop, en 2017, les deux tiers des Français n’avaient aucune idée de l’ordre de grandeur du PIB ou de la dette publique. Pis encore, près de 40 % estimaient la situation du commerce extérieur de la France assez bonne ou même très bonne… Des résultats semblables sont obtenus concernant le montant du smic et le coût réel des charges pour l’employeur. Une enquête menée en 2014 par l’institut d’études BVA a révélé qu’un fort pourcentage des personnes interrogées ne savait pas effectuer un calcul d’intérêts simple. A la question « Si vous avez placé 100 euros et que le compte est rémunéré à 2 %, combien aurez-vous au bout d’un an sur votre compte ? », 42 % des sondés ne donnaient pas la bonne réponse (102 euros).
En matière de connaissances utiles pour prendre des décisions financières avisées, on reproche par exemple aux Français de ne pas savoir faire la distinction entre intérêt et dividende, de déclarer qu’ils préparent leur retraite à partir de leur livret A, d’ignorer ce qu’est un crédit renouvelable, de vendre leurs actions « au son du canon » et d’acheter « au son des violons ».
Un constat développé par Pierre Robert dans son livre Fâché comme un Français avec l’économie (éd. Larousse), qui soulève évidemment un grave problème. Les décisions économiques des acteurs, publics comme privés, sont liées à une compréhension des mécanismes en jeu. Edmund Phelps, Prix Nobel d’économie en 2006, a calculé que ces lacunes faisaient perdre à la France un point de croissance chaque année. Il est aussi possible de voir dans cette ignorance une cause de la montée préoccupante de propositions politiques extrêmes qui ont pour point commun de piétiner la raison. Il est essentiel pour notre stabilité politique et notre prospérité future d’enseigner le raisonnement et la logique économiques à tous les citoyens, de manière aussi neutre, complète et non dogmatique que possible. Chacun devrait être doté des clefs de compréhension lui permettant d’appréhender en toute indépendance intellectuelle un vaste champ de questions allant de la compétitivité des entreprises aux grands mécanismes de l’économie.W